Cour de justice de l’Union européenne, le 22 octobre 2015, n°C-523/14

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 22 octobre 2015, une décision fondamentale concernant l’interprétation du règlement relatif à la compétence judiciaire. Ce litige oppose des sociétés s’estimant victimes de fraudes à des entités ayant prétendument participé à ces infractions dans un contexte transfrontalier. Les demanderesses ont déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le tribunal de première instance d’Anvers avant de saisir le juge des référés d’Arnhem. Le juge néerlandais a initialement ordonné la mainlevée des saisies en considérant que la plainte pénale ne valait pas introduction d’une demande au principal. Une nouvelle saisie a été autorisée sous condition d’introduire un recours au fond, lequel a été porté devant le tribunal de Gueldre. Cette juridiction a décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour sur la qualification de la procédure belge et l’existence d’une litispendance. La question posée concerne l’application du règlement à une plainte avec constitution de partie civile et la détermination de la date de saisine effective. L’analyse de cette décision suppose d’examiner la qualification de l’action civile greffée sur le pénal puis les conditions d’application de la litispendance européenne.

I. La qualification de l’action civile exercée devant les juridictions d’instruction

A. L’autonomie conceptuelle de la demande de réparation du préjudice La Cour rappelle que la notion de matière civile et commerciale doit être considérée comme une notion autonome interprétée selon les objectifs du règlement. Elle souligne qu’une « action exercée en réparation du préjudice causé à un particulier par suite d’une infraction pénale conserve son caractère civil ». Le rapport juridique entre les parties doit être qualifié de droit privé malgré le cadre répressif de la procédure engagée devant le juge d’instruction.

B. L’inclusion de la plainte avec constitution de partie civile dans le champ matériel L’article premier du règlement s’applique indépendamment de la nature de la juridiction saisie, incluant ainsi les décisions civiles rendues par un tribunal pénal. La Cour juge qu’une « plainte avec constitution de partie civile déposée auprès d’une juridiction d’instruction relève du champ d’application de ce règlement ». L’objectif d’indemnisation pécuniaire du préjudice allégué par le plaignant justifie cette inclusion matérielle malgré l’accessoirité de la demande par rapport à l’action publique. Cette qualification de matière civile et commerciale permet d’envisager l’application des mécanismes de coordination des compétences juridictionnelles prévus par le droit de l’Union.

II. L’application du régime de la litispendance à la phase d’instruction

A. La reconnaissance de l’existence d’un litige pendant malgré l’incertitude procédurale L’article vingt-sept du règlement vise à réduire au maximum la possibilité de procédures concurrentes et à éviter que des décisions inconciliables ne soient rendues. La Cour affirme qu’une demande est formée lorsqu’une plainte est déposée auprès d’une juridiction d’instruction, bien que cette phase préalable ne soit pas clôturée. L’incertitude quant à l’issue de l’instruction est sans incidence sur l’existence d’une situation de litispendance entre deux juridictions d’États membres différents.

B. La fixation autonome de la date de saisine de la juridiction L’article trente définit de manière autonome la date à laquelle une juridiction est réputée saisie afin d’assurer la sécurité juridique des parties au litige. En l’absence d’obligation de notification préalable, la saisine s’opère à la date du dépôt de l’acte introductif d’instance ou d’un acte jugé équivalent. La Cour conclut que « la date devant être retenue pour considérer que cette juridiction est saisie est celle à laquelle cette plainte a été déposée ».

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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