La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 23 avril 2015, une décision fondamentale concernant l’interprétation de la directive relative au retour. Cette affaire s’inscrit dans le cadre d’un litige relatif au séjour irrégulier d’un ressortissant étranger sur le territoire d’un État membre de l’Union. Les autorités administratives compétentes avaient initialement prononcé l’éloignement de l’intéressé, mesure assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq années. Le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo n° 2 de Donostia-San Sebastián a annulé cette décision pour substituer une amende financière à l’éloignement. Le Tribunal Superior de Justicia de la Comunidad Autónoma del País Vasco, saisi de l’appel, a décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour. Le problème de droit porte sur la conformité d’une législation nationale prévoyant une alternative exclusive entre l’amende et l’éloignement physique. Les juges affirment que la directive s’oppose à une réglementation permettant de sanctionner le séjour irrégulier exclusivement par une sanction économique incompatible avec l’éloignement. L’analyse de cette solution exige d’étudier l’obligation de retour systématique avant d’envisager l’exclusion des sanctions financières alternatives prévues par les législations nationales.
I. L’affirmation d’une obligation de retour systématique et contraignante
A. Le caractère principal de la décision de retour
La juridiction européenne rappelle que l’objectif premier de la directive est la mise en place d’une politique efficace d’éloignement et de rapatriement. L’article 6, paragraphe 1, énonce que « les États membres prennent une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier ». Cette formulation ne laisse aucune marge d’appréciation aux autorités nationales dès lors que l’irrégularité du séjour est formellement constatée sur le territoire. La Cour souligne que les autorités compétentes doivent adopter une telle décision sans préjudice des rares exceptions limitativement énumérées par le texte européen. Le principe de retour constitue la réponse juridique normale et automatique à une situation de séjour non autorisé par les lois nationales en vigueur.
B. L’interprétation restrictive des dérogations autorisées
Les juges précisent que les facultés de dérogation laissées aux États membres ne sauraient remettre en cause l’obligation fondamentale de quitter le territoire national. L’article 4 du texte autorise le maintien de dispositions nationales plus favorables à condition que celles-ci restent compatibles avec les objectifs de la directive. Une réglementation prévoyant une amende exclusive de toute mesure d’éloignement ne remplit pas cette condition de compatibilité avec les exigences claires du droit européen. Le mécanisme national, tel qu’interprété par la juridiction suprême, aboutit à traiter le séjour irrégulier comme une simple infraction administrative passible d’une amende. Cette lecture dénature le régime européen du retour en affaiblissant la portée des normes communes dont l’application doit être uniforme dans l’espace européen.
II. La primauté de l’éloignement physique sur les sanctions pécuniaires
A. La sauvegarde de l’effet utile de la procédure de retour
L’arrêt insiste sur la nécessité de garantir l’efficacité des procédures de retour par l’exécution rapide des décisions administratives ou judiciaires régulièrement adoptées. L’article 8 impose de « prendre toutes les mesures nécessaires pour procéder à l’éloignement de l’intéressé » lorsque l’obligation de retour n’est pas respectée. Le transfert physique hors de l’État membre demeure l’acte essentiel qui concrétise la fin du séjour irrégulier et assure la crédibilité du système. La Cour estime qu’une sanction purement pécuniaire est susceptible de « faire échec à l’application des normes et des procédures communes » établies par la directive. L’amende ne permet pas d’atteindre le résultat escompté car elle ne met pas fin physiquement à la présence illégale du ressortissant étranger.
B. La limitation de l’autonomie procédurale des États membres
La solution retenue restreint la liberté des États dans le choix des sanctions applicables à la méconnaissance des règles relatives à l’entrée au séjour. La juridiction affirme que la directive s’oppose à une réglementation imposant, selon les circonstances, « soit une amende, soit l’éloignement, les deux mesures étant exclusives ». Le principe de coopération loyale oblige les États membres à écarter toute disposition nationale susceptible de retarder la réalisation des objectifs de l’Union. Cette décision de principe impose une révision des pratiques judiciaires nationales afin de privilégier systématiquement la mesure d’éloignement sur toute sanction alternative. L’harmonisation européenne des procédures de retour sort renforcée de cette interprétation rigoureuse qui limite les risques de disparités entre les différents territoires nationaux.