La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 6 octobre 2025, un arrêt relatif à la conformité d’une législation fiscale nationale avec le droit de l’Union. Cette décision concerne le maintien d’une réduction d’impôt réservée aux cotisations versées auprès d’organismes financiers établis exclusivement sur le territoire de l’État membre défendeur.
Une disposition législative prévoyait un avantage fiscal pour les résidents sous condition que les fonds d’épargne-pension soient gérés par des institutions financières locales. L’organe exécutif de l’Union a contesté cette mesure, estimant qu’elle introduisait une discrimination indirecte au détriment des prestataires de services situés dans d’autres États membres.
Le recours en manquement introduit visait à faire constater la violation des obligations issues du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne par l’autorité publique nationale. L’institution requérante soutenait que la restriction géographique empêchait les citoyens de bénéficier des offres concurrentes proposées par des entités financières non résidentes.
La question posée au juge consistait à déterminer si le bénéfice d’une réduction d’impôt peut être légalement subordonné à l’établissement territorial du prestataire de services financier. La Cour devait ainsi arbitrer entre l’autonomie fiscale des États et le principe fondamental de libre prestation de services au sein du marché unique européen.
La juridiction a conclu que l’État membre a « manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56 TFUE » en raison de cette exclusivité territoriale. La solution retenue invite à analyser la nature de la restriction identifiée puis l’insuffisance des justifications présentées par l’autorité nationale pour valider l’entrave constatée.
**I. La caractérisation d’une restriction à la libre prestation de services**
**A. L’existence d’une différence de traitement fiscal**
La Cour relève que l’avantage fiscal est strictement conditionné à la localisation du prestataire de services au sein des frontières de l’État membre défendeur. Cette règle crée une distinction manifeste entre les contribuables selon qu’ils choisissent une institution financière nationale ou une entité établie dans un autre État.
Le mécanisme dissuade les résidents de recourir aux services de gestion d’épargne étrangers par la perte automatique du bénéfice lié à la réduction d’impôt prévue. Cette différence de traitement constitue le fondement du manquement, car elle fragilise l’égalité des conditions de concurrence entre les opérateurs économiques du marché intérieur.
L’arrêt souligne que la législation nationale favorise systématiquement les prestataires locaux au détriment de ceux qui exercent leur activité depuis un autre territoire européen. Ce privilège accordé aux entités résidentes rompt l’équilibre nécessaire à la libre circulation des services financiers au sein de l’espace économique commun.
**B. L’entrave à l’accès au marché des services transfrontaliers**
La mesure législative produit un effet restrictif direct sur la liberté de prestation de services garantie par l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. En limitant l’avantage fiscal aux seuls versements domestiques, l’autorité publique restreint la capacité des institutions étrangères à proposer leurs produits financiers aux clients résidents.
Cette barrière juridique contraint les consommateurs à privilégier les solutions locales, ce qui fige le marché national et empêche une intégration économique réelle entre les États. La Cour réaffirme que toute mesure rendant la prestation de services transfrontalière plus difficile qu’une opération purement interne est rigoureusement interdite par le droit primaire.
L’impossibilité pour les prestataires non résidents d’offrir un avantage fiscal équivalent à leurs clients constitue ainsi une entrave majeure à la libre circulation des services. L’entrave étant caractérisée, l’analyse doit se porter sur les raisons impérieuses d’intérêt général invoquées pour tenter de légitimer une telle mesure fiscale.
**II. L’absence de justification de l’entrave par des raisons impérieuses d’intérêt général**
**A. Le rejet des arguments fondés sur la cohérence du système fiscal**
L’État membre n’a pas démontré que la restriction géographique était nécessaire pour préserver la cohérence de son régime fiscal national ou d’autres motifs impérieux. La juridiction exige un lien direct entre l’avantage accordé et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé pour admettre une telle justification.
L’exclusion des institutions étrangères ne semble pas répondre à un besoin de contrôle efficace ou à une logique d’équilibre nécessaire des recettes budgétaires de l’État. L’arrêt souligne que des mesures moins restrictives auraient permis d’atteindre les mêmes objectifs de surveillance sans pour autant sacrifier les libertés fondamentales de circulation.
L’argumentation de la partie défenderesse échoue donc à convaincre les juges de la proportionnalité de la mesure par rapport à l’objectif de protection des intérêts nationaux. Cette rigueur jurisprudentielle assure que les impératifs fiscaux des États ne deviennent pas des prétextes pour contourner les principes essentiels du marché intérieur européen.
**B. La portée de la décision pour l’harmonisation fiscale européenne**
Cette condamnation renforce la protection des libertés fondamentales face aux tentatives nationales de protectionnisme fiscal dissimulées sous des conditions de résidence ou d’établissement des prestataires. Elle rappelle que les États membres doivent exercer leur compétence fiscale souveraine dans le strict respect du droit de l’Union européenne.
La décision oblige l’autorité concernée à modifier sa réglementation pour ouvrir le bénéfice de la réduction d’impôt aux cotisations versées auprès d’entités établies ailleurs. Ce mouvement jurisprudentiel participe à la création d’un marché unique de l’épargne-pension, favorisant la mobilité des travailleurs et la libre circulation des capitaux.
Le juge européen confirme ainsi sa volonté de supprimer les obstacles fiscaux qui fragmentent encore l’espace économique commun au détriment des citoyens et des entreprises. Cette solution s’inscrit dans une lignée protectrice des droits des prestataires de services souhaitant opérer librement au-delà de leurs frontières nationales.