Cour de justice de l’Union européenne, le 23 novembre 2023, n°C-614/22

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 23 novembre 2023, une décision importante concernant l’étendue des droits conférés aux membres de la famille des réfugiés. Le litige concernait une ressortissante d’un pays tiers dont l’un des enfants mineurs avait obtenu le statut de réfugié sur le territoire belge. L’intéressée avait sollicité la protection internationale au titre du maintien de l’unité familiale, bien qu’elle ne remplisse pas personnellement les critères d’éligibilité requis.

À la suite du rejet de sa demande par les autorités administratives, un recours fut formé devant le Conseil du contentieux des étrangers de Bruxelles qui le rejeta le 8 juin 2020. Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’État de Belgique décida de surseoir à statuer pour interroger la Cour sur l’interprétation des articles 20 et 23 de la directive 2011/95. La juridiction nationale souhaitait savoir si ces dispositions imposaient l’octroi d’une protection internationale dérivée au parent d’un mineur réfugié pour garantir l’intérêt supérieur de l’enfant.

La Cour a jugé que le droit de l’Union n’oblige pas les États membres à reconnaître une telle protection au parent ne satisfaisant pas individuellement aux conditions requises. Cette solution invite à examiner l’exclusion d’un statut de protection automatique au profit d’une unité familiale garantie par des droits sociaux spécifiques.

**I. L’absence d’extension automatique du statut de réfugié aux membres de la famille**

La Cour souligne que la directive 2011/95 n’organise pas une transmission de plein droit de la protection internationale entre les membres d’une même cellule familiale.

**A. La prééminence de l’examen individuel des conditions de protection**

Le statut de réfugié repose sur une crainte personnelle et fondée de persécution, rendant l’examen individuel de la situation du demandeur absolument indispensable. La Cour rappelle fermement que « la directive 2011/95 ne prévoit pas l’extension, à titre dérivé, du statut de réfugié » aux membres de la famille du bénéficiaire. L’octroi de ce statut demeure strictement subordonné à la satisfaction personnelle des conditions prévues par le législateur de l’Union européenne pour chaque ressortissant.

Cette approche préserve la nature exceptionnelle du statut de réfugié, lequel ne saurait devenir un accessoire de la situation juridique d’un parent ou d’un enfant. La rigueur de cette interprétation assure la cohérence du régime d’asile européen en évitant toute confusion entre le besoin de protection et le droit au séjour.

**B. Le caractère facultatif des normes nationales plus favorables**

Bien que la directive fixe des normes minimales, les États membres conservent la faculté d’adopter des dispositions nationales plus protectrices pour les familles concernées. L’article 3 de la directive permet ainsi d’accorder le statut de réfugié à titre dérivé, à condition que cette mesure reste compatible avec les objectifs de l’Union. Cependant, le législateur belge n’a pas exercé cette option législative, limitant ainsi les prétentions de la requérante à l’application stricte du texte européen.

L’absence de transposition d’une norme facultative ne saurait créer une obligation à la charge de l’État membre, ni conférer un droit direct au bénéfice du statut. La solution retenue confirme donc la souveraineté des États dans le choix d’élargir ou non le cercle des bénéficiaires de la protection internationale.

**II. La protection de l’unité familiale par l’octroi d’avantages matériels**

Si le statut de protection n’est pas transmis, la directive impose néanmoins le maintien du lien familial par d’autres moyens juridiques et sociaux concrets.

**A. L’obligation de garantir les avantages prévus par la directive**

L’article 23 de la directive oblige les États à veiller à ce que l’unité familiale puisse être maintenue sur leur territoire respectif pour les réfugiés. Les membres de la famille peuvent ainsi « prétendre aux avantages visés aux articles 24 à 35 », tels que l’accès à l’emploi ou au logement. Ces avantages comprennent notamment la délivrance d’un titre de séjour, garantissant ainsi la présence légale du parent aux côtés de son enfant reconnu réfugié.

L’unité familiale est donc préservée non par l’uniformisation des statuts juridiques, mais par l’accès à des droits sociaux et administratifs identiques à ceux du bénéficiaire. Cette distinction fondamentale permet de concilier le respect de la vie privée et familiale avec la spécificité des conditions d’octroi de l’asile.

**B. La portée limitée de l’intérêt supérieur de l’enfant sur le statut**

L’article 20 impose de tenir compte de la situation des personnes vulnérables et de faire de l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale. Néanmoins, la Cour précise que ces principes ne sauraient obliger un État à octroyer un statut de protection internationale si les conditions de fond manquent. L’intérêt de l’enfant est valablement protégé dès lors que le parent dispose d’un titre de séjour lui permettant de vivre légalement auprès de lui.

La décision consacre ainsi une interprétation équilibrée qui protège l’effectivité du statut de réfugié du mineur sans dénaturer les critères d’accès à la protection. La finalité du droit de l’Union est ici d’assurer la cohabitation familiale sans pour autant multiplier indûment les bénéficiaires d’une protection internationale spécifique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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