La Cour de justice de l’Union européenne précise les conditions d’indemnisation des médecins spécialistes en formation entre mille neuf cent quatre-vingt-deux et mille neuf cent quatre-vingt-dix. Le litige trouve son origine dans l’absence de perception d’une gratification durant un cursus de spécialisation médicale entamé avant la date butoir de transposition. Des praticiens ont saisi les juridictions nationales afin d’obtenir le versement des sommes prévues par les directives communautaires alors en vigueur. La juridiction de renvoi a sursis à statuer pour interroger le juge européen sur l’interprétation des obligations pesant sur l’État membre défaillant. La question posée concerne l’existence d’un droit à rémunération malgré l’absence de mesures nationales et les modalités de réparation du préjudice subi. La Cour affirme l’exigibilité de la rémunération pour les spécialités communes dès le premier janvier mille neuf cent quatre-vingt-trois par le biais de l’interprétation conforme ou de la responsabilité étatique. L’analyse de l’obligation de rémunération des périodes de formation précédera l’étude des mécanismes de garantie de l’effectivité du droit de l’Union.
I. L’affirmation d’un droit obligatoire à une rémunération appropriée
A. Le champ d’application matériel lié aux spécialités communes
La Cour énonce que « toute formation à plein temps ou à temps partiel de médecin spécialiste commencée au cours de l’année 1982 » ouvre droit à paiement. Cette obligation financière est strictement subordonnée à la nature de la spécialité médicale suivie par l’étudiant concerné durant son cursus. La formation doit porter sur une discipline mentionnée aux articles cinq ou sept de la directive soixante-quinze trois cent soixante-deux. Le juge européen lie ainsi le bénéfice de la rémunération à la reconnaissance mutuelle des diplômes au sein de l’espace communautaire. L’annexe de la directive soixante-quinze trois cent soixante-trois impose un versement pour les spécialités communes à plusieurs États membres. Cette exigence garantit une uniformité de traitement entre les professionnels de santé engagés dans des parcours d’excellence similaires.
B. La délimitation temporelle de l’exigence financière
Le droit à la rémunération naît de façon impérative à compter de l’expiration du délai de transposition des normes européennes modificatives. La Cour précise qu’une « rémunération appropriée […] doit être payée pour la période de cette formation à partir du 1er janvier 1983 ». Les juges fixent cette échéance précise pour marquer le point de départ des obligations pécuniaires incombant aux autorités nationales. Le bénéfice de cette prestation s’étend ensuite jusqu’au terme effectif du cursus de spécialisation entrepris par le praticien. Cette décision assure la protection des attentes légitimes des médecins ayant poursuivi leurs études au-delà de l’année mille neuf cent quatre-vingt-deux. La détermination de ce cadre temporel strict permet de stabiliser les prétentions financières des demandeurs face à l’inertie législative.
II. La garantie de l’effectivité du droit européen par le juge national
A. La primauté de l’interprétation conforme du droit interne
L’absence de mesures de transposition nationales ne dispense pas le juge interne de son obligation de protection des droits des particuliers. La juridiction nationale est tenue d’interpréter ses propres règles « à la lumière du texte et de la finalité » des directives en cause. Cette mission impose de mobiliser l’ensemble des méthodes d’interprétation reconnues par le droit national pour atteindre le résultat prescrit. Le juge doit ainsi neutraliser les dispositions contraires ou lacunaires afin de permettre l’octroi de la rémunération due. Cette technique de l’interprétation conforme constitue le premier rempart contre les défaillances de l’État dans l’exécution de ses engagements. Elle assure une application immédiate des principes communautaires sans nécessiter l’intervention préalable du législateur national.
B. La responsabilité subsidiaire de l’État en cas de carence persistante
Si le résultat prescrit ne peut être atteint par la voie interprétative, l’État doit alors assumer les conséquences de sa négligence. Le droit de l’Union impose à l’État de « réparer les dommages qu’il a causés aux particuliers en raison de l’absence de transposition ». Cette responsabilité engage les finances publiques pour compenser la perte financière subie par les médecins spécialistes illégalement privés de revenus. Il appartient alors à la juridiction de renvoi de vérifier si les conditions de mise en œuvre de cette responsabilité sont réunies. Le manquement à l’obligation de transposer la directive soixante-deux soixante-seize constitue le fondement juridique de cette action indemnitaire. Ce mécanisme de dernier recours garantit que les droits individuels issus de l’ordre juridique européen ne restent jamais sans protection effective.