Cour de justice de l’Union européenne, le 24 mai 2012, n°C-196/11

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 24 mai 2012, précise les conditions de l’opposition à l’enregistrement d’une marque.

Le litige trouve son origine dans l’opposition formée par le titulaire de marques antérieures contre une demande d’enregistrement d’un signe figuratif complexe. L’organe chargé de la propriété intellectuelle rejette la demande d’opposition, estimant que le terme commun aux deux signes est dépourvu de caractère distinctif. Le Tribunal de l’Union européenne, siégeant à Luxembourg, confirme cette position par un arrêt rendu le 17 février 2011 dans l’affaire T-10/09. Il considère que le public pertinent percevra l’élément verbal comme une simple abréviation descriptive incapable de remplir sa fonction de garantie d’origine. Le titulaire des titres antérieurs conteste alors ce raisonnement devant la Cour de justice en invoquant une violation manifeste du règlement communautaire. La question posée porte sur l’étendue du contrôle du juge de l’Union sur le caractère distinctif d’une marque nationale lors d’une opposition. La juridiction suprême juge qu’un tel contrôle ne peut conduire à nier toute protection à une marque dont la validité n’est pas contestée. La protection impérative du caractère distinctif des marques nationales précède l’examen des conséquences sur l’appréciation globale du risque de confusion.

I. La protection impérative du caractère distinctif des marques nationales

A. L’interdiction de contester la validité d’un titre national lors d’une opposition

La Cour de justice rappelle que la procédure d’opposition n’autorise pas une remise en cause indirecte de la validité d’une marque déjà enregistrée. Le juge de l’Union ne dispose d’aucune compétence pour invalider un enregistrement effectué par les autorités nationales lors de l’examen d’un conflit. Il appartient uniquement aux juridictions ou aux offices des États membres de statuer sur la nullité d’un titre déposé dans leur propre ressort géographique. En déniant toute portée au signe antérieur, le Tribunal a méconnu la répartition des compétences entre le système de l’Union et les régimes internes. Cette intrusion dans la validité des titres préexistants fragilise la sécurité juridique nécessaire aux opérateurs économiques agissant sur le marché intérieur européen.

B. La reconnaissance d’un caractère distinctif minimal obligatoire

La décision consacre une présomption de caractère distinctif attaché à tout enregistrement national en vigueur pour apprécier le risque de confusion entre deux signes. La Cour énonce qu’il « convient de reconnaître à de telles marques un certain degré de caractère distinctif » pour assurer la cohérence de la protection. Cette exigence interdit au juge de considérer un élément verbal enregistré comme étant purement descriptif ou générique lors de l’examen de l’opposition. Le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant que le terme litigieux ne possédait aucune force d’attraction auprès du public ciblé. L’existence même du titre national impose la reconnaissance d’un seuil minimal de protection que le juge ne peut ignorer sans dénaturer le droit positif.

II. Les conséquences sur l’appréciation globale du risque de confusion

A. L’erreur de droit issue d’une qualification de signe purement descriptif

Le raisonnement censuré reposait sur l’idée que l’élément verbal commun ne pouvait constituer le cœur de la protection en raison de sa faiblesse. Le juge de première instance avait estimé que le public ne verrait dans ce terme qu’une indication technique relative à une catégorie spécifique de compétitions. Cette approche conduit à vider de son sens la protection conférée par l’enregistrement antérieur en rendant l’opposition systématiquement inopérante pour certains signes. La Cour de justice souligne qu’une « telle constatation d’absence de caractère distinctif n’est pas compatible avec la coexistence des marques » au sein de l’Union. L’examen des ressemblances visuelles et phonétiques doit s’effectuer sans écarter a priori une composante majeure d’un signe sous prétexte d’un manque de caractère arbitraire.

B. L’exigence d’une nouvelle analyse par le juge du renvoi

L’annulation de l’arrêt initial entraîne le renvoi de l’affaire devant le Tribunal pour qu’il procède à une nouvelle évaluation souveraine des faits litigieux. Le juge du fond devra désormais intégrer le caractère distinctif minimal du terme litigieux dans son appréciation globale du risque de confusion entre les marques. Cette nouvelle analyse pourrait conduire à une solution différente concernant la possibilité pour le public de croire que les services proviennent d’une même entreprise. La Cour préserve ainsi l’équilibre entre la liberté commerciale et la protection des droits de propriété intellectuelle acquis auprès des offices nationaux des États. Cette clarification jurisprudentielle renforce la confiance des déposants dans la pérennité de leurs titres nationaux face à l’émergence de marques concurrentes au niveau européen.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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