Cour de justice de l’Union européenne, le 24 mai 2012, n°C-352/11

Par un arrêt en date du 6 octobre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne a statué sur un recours en manquement introduit à l’encontre d’un État membre. La décision portait sur la violation des obligations découlant de la directive 2008/1/CE, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution.

En l’espèce, il était reproché à l’État membre de ne pas avoir garanti la mise en conformité de toutes les installations existantes sur son territoire avec les exigences de la directive. Plus précisément, l’État défendeur avait omis de délivrer ou d’actualiser les autorisations d’exploitation pour certaines installations, lesquelles continuaient ainsi à fonctionner sans respecter les normes environnementales prévues par le droit de l’Union.

La procédure a été initiée par la Commission européenne, qui, après une phase précontentieuse, a saisi la Cour de justice en application de l’article 258 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La Commission soutenait que l’inexécution, même partielle, des obligations de la directive constituait un manquement caractérisé. L’État membre ne contestait pas entièrement les faits, mais la situation n’était pas régularisée à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.

Le problème de droit soulevé par cette affaire était donc de déterminer si l’omission de mettre en conformité l’ensemble des installations existantes avec les exigences d’une directive, à la date butoir fixée par la Commission, suffisait à caractériser un manquement d’État. Il s’agissait également de savoir si des difficultés d’ordre interne pouvaient justifier un tel retard dans l’application du droit de l’Union.

La Cour de justice a répondu par l’affirmative en déclarant le manquement. Elle a jugé qu’« en ayant omis de délivrer des autorisations conformément aux articles 6 et 8 de la directive 2008/1/CE […], de réexaminer et, le cas échéant, d’actualiser les autorisations existantes et de veiller à ce que toutes les installations existantes soient exploitées conformément aux exigences prévues […], la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive. »

Cette décision rappelle avec fermeté la nature des obligations qui pèsent sur les États membres dans l’application du droit de l’Union (I), tout en réaffirmant la rigueur du contrôle opéré par la Cour dans le contentieux du manquement (II).

***

I. Le rappel de l’obligation d’exécution intégrale et inconditionnelle du droit de l’Union

La Cour de justice profite de cette affaire pour réitérer deux principes fondamentaux du droit de l’Union. Elle souligne d’une part l’exigence d’une application complète des directives (A) et d’autre part, le rejet systématique des justifications fondées sur l’ordre juridique interne (B).

A. L’exigence d’une application complète de la directive

Le présent arrêt illustre l’obligation pour un État membre d’assurer une exécution non seulement correcte dans sa lettre, mais aussi totale dans son champ d’application. La directive 2008/1/CE imposait une mise en conformité de toutes les installations existantes, sans exception, dans un délai déterminé. Or, la Cour constate que l’État mis en cause a échoué à garantir ce résultat pour la totalité des sites concernés.

Conformément à une jurisprudence établie, la Cour rappelle qu’une exécution partielle ne saurait être considérée comme une exécution valide. Le manquement est constitué dès lors qu’une partie des objectifs de la directive n’est pas atteinte sur le territoire national. En l’espèce, le fait que seules certaines installations n’aient pas reçu d’autorisation conforme est suffisant pour que le manquement soit reconnu dans son ensemble. Cette approche maximaliste garantit que les directives ne soient pas privées de leur effet utile par une application fragmentaire ou lacunaire.

B. L’indifférence des justifications tirées de l’ordre juridique interne

La Cour réaffirme également avec constance un principe cardinal de l’ordre juridique de l’Union. Un État membre ne peut se prévaloir de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre interne pour justifier le non-respect des obligations résultant du droit de l’Union. Ce principe est une conséquence directe de la primauté du droit de l’Union.

Dans cette affaire, comme dans de nombreuses autres, la Cour écarte implicitement toute justification liée à d’éventuelles lourdeurs administratives, à des complexités techniques ou à la répartition des compétences internes. En jugeant que de tels arguments sont inopérants, elle préserve l’application uniforme et effective du droit de l’Union sur l’ensemble de son territoire. Permettre à un État de se réfugier derrière ses propres contraintes internes reviendrait à saper les fondements même de la construction européenne et l’autorité de ses normes.

***

II. La portée du contrôle juridictionnel en matière de manquement d’État

L’arrêt ne se contente pas de sanctionner un manquement ; il met en lumière les modalités et la fonction du contrôle exercé par la Cour de justice. Ce contrôle s’attache à une constatation objective du manquement à une date précise (A) et remplit une fonction coercitive visant à assurer la pleine efficacité du droit de l’environnement (B).

A. La constatation objective du manquement à l’expiration du délai imparti

La Cour rappelle la méthodologie qui préside à l’examen d’un recours en manquement. La situation à prendre en considération est celle de l’État membre à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé émis par la Commission. Toute régularisation postérieure à cette date est sans pertinence pour apprécier l’existence du manquement, même si elle peut avoir une incidence sur la suite de la procédure.

Ce cadre temporel strict confère au contrôle de la Cour un caractère objectif et automatique. Il ne s’agit pas d’évaluer la bonne ou la mauvaise volonté de l’État, mais de constater, à un instant T, si les obligations ont été respectées. En l’espèce, peu importait que des mesures aient été prises ou envisagées après le délai imparti ; seule comptait la situation factuelle et juridique à cette date butoir. Cette rigueur procédurale est essentielle pour garantir une pression efficace sur les États membres et éviter les retards indéfinis.

B. La fonction de l’arrêt en manquement pour la protection de l’environnement

Au-delà de son aspect purement juridique, l’arrêt en manquement revêt une portée pratique considérable, particulièrement dans des domaines comme la protection de l’environnement. En condamnant l’État membre, la Cour ne prononce pas une sanction pécuniaire à ce stade, mais elle l’oblige à prendre sans délai les mesures nécessaires pour se conformer à la directive.

Cette décision constitue ainsi la première étape d’un mécanisme potentiellement coercitif. Si l’État persiste dans son manquement, il s’expose à un second recours, cette fois assorti d’une demande de sanctions financières en application de l’article 260 du traité. L’arrêt joue donc un rôle crucial en forçant l’État à agir concrètement pour réduire la pollution industrielle, assurant ainsi que les objectifs de la directive ne restent pas lettre morte et se traduisent par une protection effective de l’environnement et de la santé publique.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture