Cour de justice de l’Union européenne, le 24 mars 2009, n°C-331/08

Par l’arrêt soumis à commentaire, la Cour de justice de l’Union européenne constate un manquement aux obligations découlant du droit de l’Union. La décision porte sur la transposition d’une directive relative à la responsabilité environnementale. Celle-ci fixait un délai que les États membres devaient respecter pour adopter les mesures nationales de mise en œuvre.

Les faits à l’origine du litige sont marqués par une inaction. Un État membre n’a pas adopté l’ensemble des dispositions législatives, réglementaires et administratives requises pour se conformer à la directive dans le temps imparti. En conséquence, l’institution européenne gardienne des traités a engagé une procédure en manquement. Après une phase précontentieuse restée sans effet, la Cour de justice a été saisie afin qu’elle reconnaisse officiellement la défaillance de l’État concerné. La question de droit soulevée est donc de savoir si la simple expiration du délai de transposition, sans que toutes les mesures d’exécution aient été prises, suffit à caractériser une violation des obligations d’un État membre. La Cour y répond par l’affirmative, en déclarant que « en ne prenant pas, dans le délai prescrit, toutes les dispositions […] nécessaires […], [l’État membre] a manqué aux obligations qui lui incombent ».

La solution, qui s’inscrit dans une jurisprudence établie, repose sur une analyse objective de l’obligation de transposition (I), tout en rappelant les conséquences attachées à la constatation formelle d’un tel manquement (II).

***

I. La caractérisation objective du manquement pour non-transposition

L’arrêt illustre la méthode rigoureuse par laquelle la Cour de justice contrôle le respect par les États membres de leurs obligations. Le manquement est ici établi sur la base du non-respect d’une contrainte temporelle impérative (A), sans que d’éventuelles justifications internes puissent être prises en considération (B).

A. L’obligation de transposition, une contrainte temporelle impérative

Conformément à l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre. Elle laisse cependant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Le délai de transposition est un élément essentiel de ce résultat. Son respect garantit l’application uniforme et simultanée du droit de l’Union sur tout son territoire. Dans la présente affaire, la Cour effectue un contrôle purement objectif et factuel. Elle se limite à constater que le délai fixé par la directive est expiré et que les mesures nécessaires à la transposition n’ont pas été intégralement adoptées. Cette approche confirme que l’obligation de transposer est une obligation de résultat précise, dont l’échéance ne saurait être différée unilatéralement. Le manquement est donc constitué par la seule omission, indépendamment de son étendue ou de sa durée.

B. Une appréciation indifférente aux justifications étatiques

La jurisprudence constante de la Cour de justice refuse de prendre en compte les arguments d’un État membre tirés de son ordre juridique interne pour justifier un manquement. Des difficultés d’ordre politique, administratif ou technique ne peuvent exonérer un État de sa responsabilité. La brièveté des motifs de l’arrêt commenté est à cet égard éloquente. La Cour ne s’engage dans aucune discussion sur les causes de l’inaction de l’État défendeur. Le constat est suffisant pour fonder sa décision. Cette position stricte est indispensable pour préserver l’effectivité et la primauté du droit de l’Union. Admettre de telles justifications reviendrait à permettre aux États de se soustraire à leurs engagements européens, compromettant ainsi les fondements mêmes de l’ordre juridique intégré. Le manquement est donc une défaillance objective de l’État en tant que tel, quelles que soient les institutions nationales impliquées.

La constatation du manquement par la Cour emporte des effets juridiques précis, qui dépassent la simple déclaration de la faute.

II. La portée de la sanction du manquement et ses suites

La décision de la Cour ne constitue pas une fin en soi. Elle est le point de départ d’un processus visant à assurer le respect effectif du droit de l’Union. Elle possède une force déclaratoire qui impose une obligation de faire (A), et ouvre la voie à des conséquences potentiellement plus sévères en cas de persistance de l’inaction (B).

A. La force déclaratoire de l’arrêt en manquement

Le principal effet d’un arrêt en manquement, tel que celui-ci, est de nature déclaratoire. La Cour établit de manière formelle et irréfutable que l’État membre a violé ses obligations. En vertu de l’article 260, paragraphe 1, du Traité, l’État dont le manquement a été constaté est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt dans les plus brefs délais. Il doit donc mettre son droit national en conformité avec les exigences de la directive. La condamnation aux dépens, qui met les frais de la procédure à la charge de l’État défaillant, constitue une sanction accessoire et habituelle. L’arrêt ne procède ni à l’annulation des dispositions nationales contraires, ni à leur substitution par les règles de l’Union. Il incombe à l’État de tirer lui-même les conséquences de la décision en adoptant les normes de transposition qui font défaut.

B. Les conséquences potentielles au-delà de la simple déclaration

L’arrêt commenté pourrait n’être qu’une première étape. Si l’État membre persiste dans son manquement et ne se conforme pas à l’arrêt, l’institution plaignante pourra saisir à nouveau la Cour de justice. Cette seconde procédure, régie par l’article 260, paragraphe 2, du Traité, peut aboutir à l’infliction de sanctions financières, sous la forme d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte. Par ailleurs, l’absence de transposition ouvre des droits pour les particuliers. Ces derniers peuvent, sous certaines conditions, se prévaloir des dispositions suffisamment claires, précises et inconditionnelles de la directive à l’encontre de l’État défaillant devant les juridictions nationales. Enfin, la carence de l’État est susceptible d’engager sa responsabilité et de l’obliger à réparer les dommages causés aux particuliers du fait de la non-transposition de la directive sur la responsabilité environnementale.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture