Cour de justice de l’Union européenne, le 24 mars 2022, n°C-125/21

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision constatant le manquement d’un État membre à ses obligations de transposition d’un instrument pénal. L’arrêt sanctionne l’absence de mesures législatives nationales indispensables pour l’application effective d’une décision-cadre concernant la reconnaissance mutuelle des jugements en matière pénale. L’État visé n’a pas adopté les dispositions requises par le texte communautaire du 27 novembre 2008 dans le délai imparti par les autorités européennes. L’institution requérante a saisi la juridiction après une phase précontentieuse infructueuse durant laquelle le manquement à l’obligation de communication est apparu manifeste. Celle-ci reprochait à l’État de ne pas avoir intégré les mécanismes de transfert des personnes condamnées au sein de son propre droit interne. L’État défendeur n’a soulevé aucun argument juridique valable pour justifier le retard observé dans la mise en œuvre de ses engagements internationaux et européens. Le problème juridique porte sur la caractérisation d’un manquement d’État résultant de l’inexécution d’une décision-cadre imposant des mesures de reconnaissance mutuelle des peines. Le juge européen déclare qu’en « n’ayant pas adopté, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires », l’État a violé ses obligations. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la caractérisation du défaut d’intégration législative avant d’envisager les conséquences pour la coopération judiciaire européenne.

I. La caractérisation du défaut d’intégration législative nationale

A. Le manquement objectif à l’obligation de transposition matérielle

Le juge européen fonde sa décision sur la constatation factuelle du dépassement des délais fixés par l’article 29 de la décision-cadre du Conseil. L’obligation de résultat pesant sur les États membres exige l’adoption de mesures « nécessaires pour se conformer à la décision-cadre 2008/909/jai » dans l’ordre interne. L’absence de telles dispositions entrave la circulation des décisions de justice et compromet l’objectif de réinsertion sociale poursuivi par le législateur de l’Union. Cette carence législative prolongée constitue une méconnaissance grave des principes fondamentaux régissant l’application des actes juridiques dérivés au sein de l’espace communautaire.

B. La violation formelle de l’obligation de communication des mesures

L’arrêt souligne que l’État a également manqué à son devoir en « n’ayant pas communiqué à la Commission européenne le texte de ces dispositions ». Cette obligation de notification permet à l’institution exécutive de vérifier la conformité des droits nationaux avec les exigences supérieures fixées par les traités. Le défaut d’information constitue une entrave au contrôle de légalité et fragilise la confiance mutuelle entre les États membres de l’organisation européenne. La Cour sanctionne ainsi une double négligence qui empêche la pleine efficacité du principe de reconnaissance mutuelle dans le domaine de la justice pénale.

II. Les implications pour l’espace judiciaire de liberté et de sécurité

A. L’atteinte au principe de reconnaissance mutuelle des jugements

L’instrument juridique concerné vise à permettre l’exécution des peines privatives de liberté dans l’État de résidence habituelle de la personne condamnée. L’inertie de l’État empêche la mise en œuvre de ce mécanisme protecteur qui favorise la réhabilitation sociale et les droits des citoyens européens. Le retard dans la transposition crée des disparités géographiques nuisibles à la cohérence de l’espace judiciaire et à la sécurité juridique des justiciables. La solution rendue rappelle que la coopération pénale repose sur le respect scrupuleux des engagements mutuels pris par les nations membres de l’Union.

B. Les conséquences juridiques et financières de la condamnation

Le constat de manquement impose à l’État défaillant de prendre immédiatement les mesures de régularisation nécessaires pour mettre fin à l’illégalité constatée. L’État concerné « est condamnée aux dépens », ce qui souligne la responsabilité pécuniaire incombant aux parties perdantes lors des procédures devant la juridiction. Cette décision constitue un préalable indispensable à l’engagement éventuel d’une seconde procédure pouvant aboutir au prononcé de sanctions financières lourdes et répétées. Le juge réaffirme ainsi l’autorité supérieure du droit de l’Union sur les retards administratifs ou les obstacles politiques internes rencontrés par les États.

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Hassan KOHEN
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