Cour de justice de l’Union européenne, le 24 mars 2022, n°C-433/20

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 24 mars 2022, une décision importante relative à la protection des droits d’auteur numériques. Une société de gestion collective réclame le paiement d’une redevance à une entreprise proposant des services de stockage de données en ligne. Le litige concerne l’accès à un espace de sauvegarde permettant aux utilisateurs privés de conserver des fichiers contenant des œuvres musicales ou audiovisuelles protégées.

Le Tribunal de commerce de Vienne rejette, le 25 février 2020, les demandes de reddition de comptes ainsi que de paiement de la rémunération. Cette juridiction estime que le prestataire ne fournit pas de supports physiques mais assure uniquement une prestation de stockage à distance pour ses clients. L’Oberlandesgericht de Vienne, saisi de l’appel, décide de surseoir à statuer afin d’interroger la Cour de justice sur la portée de la directive.

Les magistrats européens doivent préciser si l’expression « reproductions effectuées sur tout support » englobe les copies de sauvegarde réalisées sur les serveurs d’un tiers. La juridiction de renvoi sollicite également des éclaircissements sur la possibilité d’exonérer les fournisseurs de services en nuage du paiement d’une compensation équitable. La Cour considère que le stockage dématérialisé constitue un support au sens de l’exception de copie privée mais autorise une certaine souplesse nationale.

I. L’assimilation du stockage dématérialisé à un support de reproduction

A. Une interprétation téléologique de la notion de support

La Cour souligne que la notion de reproduction doit s’entendre au sens large pour garantir la sécurité juridique et la protection des auteurs. Le téléversement d’une œuvre dans le nuage constitue un acte de fixation permanent ou provisoire tombant sous le coup du droit exclusif de reproduction. L’article 5 de la directive ne précise nullement les caractéristiques techniques des dispositifs utilisés pour réaliser des copies à des fins strictement privées. Le juge affirme que « le législateur de l’Union a estimé que celles-ci ne sont pas pertinentes au regard de l’objectif qu’il a poursuivi ».

B. Le respect impératif du principe de neutralité technologique

L’interprétation extensive de la notion de support permet d’éviter que le droit d’auteur ne devienne obsolète face aux évolutions rapides du monde électronique. La loi doit énoncer les droits de manière générique pour ne pas privilégier le recours à une technologie spécifique au détriment d’une autre. Il n’y a pas lieu de distinguer selon que la reproduction est effectuée sur un serveur distant ou sur un disque dur appartenant à l’utilisateur. Cette solution garantit un équilibre entre les intérêts des titulaires de droits et ceux des usagers souhaitant bénéficier des nouvelles technologies d’information.

II. L’encadrement de l’obligation de compensation équitable

A. La discrétion étatique dans la désignation du redevable

Les États membres disposent d’une large marge d’appréciation pour fixer les modalités de la compensation équitable destinée à réparer le préjudice des auteurs. Il incombe en principe à la personne effectuant la copie privée de financer cette indemnisation mais des difficultés pratiques justifient souvent d’autres solutions. Le législateur national peut instaurer une redevance à la charge des importateurs de serveurs ou de terminaux connectés plutôt que des fournisseurs de services. Ce système est valide si le montant de la taxe peut être répercuté sur le prix payé par l’utilisateur final du service de stockage.

B. L’ajustement de la redevance au préjudice des titulaires

La rémunération versée aux auteurs doit rester strictement proportionnée au dommage causé par la réalisation des copies privées sur les différents supports numériques. Les États membres doivent s’assurer que le cumul des redevances frappant plusieurs appareils pour un même procédé n’excède pas le préjudice potentiel subi. La mise en place d’un système de compensation efficace exige le maintien d’un « juste équilibre » entre les parties prenantes au marché de l’informatique. Le juge national vérifie que les redevables disposent d’un droit au remboursement lorsque la taxe est perçue sans que le préjudice soit réellement caractérisé.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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