Par un arrêt du vingt-et-un décembre deux mille vingt-trois, la Cour de justice de l’Union européenne examine la légalité de compensations tarifaires dans les transports. Un litige oppose une fédération professionnelle à la Commission européenne suite à une réforme législative modifiant le régime des aides dans un État membre. Le législateur régional a délégué aux autorités municipales la gestion des fonds destinés à compenser les tarifs réduits accordés aux étudiants pour leurs déplacements. La fédération requérante soutient que ce mécanisme favorise indûment certaines entreprises publiques et méconnaît les règles relatives aux aides d’État prévues par le traité. Le Tribunal de l’Union européenne a d’abord rejeté le recours au fond en considérant que la mesure ne constituait pas une aide d’État illégale. La juridiction suprême doit déterminer si les autorités locales agissent comme des entreprises lorsqu’elles gèrent ces ressources financières et si la procédure fut respectée. La Cour rejette le pourvoi en confirmant que les missions de puissance publique se distinguent nettement des activités purement économiques exercées sur le marché. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la distinction entre puissance publique et activité économique avant d’envisager la conformité du régime national de compensation.
I. La distinction entre prérogatives de puissance publique et activités économiques
A. Le critère de dissociation des missions de l’entité publique
La Cour rappelle que constitue une entreprise toute entité exerçant une activité économique, indépendamment de son statut juridique ou de son mode de financement habituel. Elle affirme ainsi que « constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné ». Cette définition fonctionnelle permet d’appréhender les organismes publics lorsqu’ils interviennent comme des opérateurs privés au sein d’un secteur concurrentiel de l’économie. Toutefois, une entité publique peut exercer simultanément des missions régaliennes et des activités commerciales au bénéfice de la collectivité ou de ses propres intérêts. Le juge européen précise qu’une « entité qui exerce à la fois des activités économiques et des activités non économiques ne peut être qualifiée d’entreprise » que pour ses activités économiques. La dissociation entre ces deux fonctions devient alors impérative pour déterminer l’applicabilité des règles de concurrence et l’existence d’une éventuelle aide d’État.
B. L’absence de caractère économique des autorités municipales de transport
Les autorités municipales agissent ici en vertu d’une obligation légale, dans le cadre établi par le règlement, en tant qu’autorités publiques chargées du transport local. La Cour souligne que ces autorités ne se livrent à aucune activité économique lorsqu’elles fixent les modalités des compensations financières versées aux entreprises de transport. Elle juge que l’allocation de ressources financières opérée « ne fait que créer le cadre budgétaire nécessaire afin qu’elles puissent accomplir les missions de service public ». Par conséquent, les organismes locaux ne sauraient être qualifiés d’entreprises pour le rôle de gestionnaire de fonds que la loi régionale leur assigne spécifiquement. Le fait que ces entités possèdent des participations dans certaines entreprises de transport ne suffit pas à démontrer un risque de favoritisme lors du versement. Cette délimitation stricte du champ d’application de la concurrence conduit à examiner la régularité du processus législatif national au regard des obligations de notification.
II. La conformité du régime de compensation au droit de l’Union
A. L’irrecevabilité des griefs relatifs à la validité de l’exclusion
La fédération requérante conteste la validité de l’exclusion des règles nationales du champ d’application du règlement relatif aux services publics de transport de voyageurs par route. Le juge rejette ce moyen car la question de la validité de l’exclusion n’a été ni soulevée ni débattue lors de la première instance. Il rappelle qu’un moyen présenté pour la première fois dans le cadre d’un pourvoi doit être écarté pour préserver l’étendue initiale du litige. Ainsi, la Cour de justice ne peut pas examiner l’appréciation d’arguments qui n’ont pas fait l’objet d’un débat contradictoire devant le Tribunal de l’Union. La compétence de la juridiction suprême reste limitée à l’examen de l’erreur de droit commise par les premiers juges lors de leur analyse souveraine. Cette règle procédurale garantit la sécurité juridique en empêchant les parties de modifier leurs prétentions au stade ultime de la procédure contentieuse européenne.
B. L’absence de transfert de ressources en dehors de la sphère étatique
La Commission a estimé que le remplacement de la loi fédérale par une disposition régionale conduisait à un transfert interne de ressources entre deux autorités publiques. Ce mouvement financier ne constitue pas une aide au sens du traité car les ressources ne quittent jamais la sphère de l’influence de l’État membre. La Cour confirme que la mesure litigieuse ne comporte pas de risque intrinsèque de favoriser certaines entreprises par rapport à d’autres opérateurs du marché. Elle précise que les autorités municipales restent liées par les dispositions pertinentes du droit de l’Union en matière d’aides d’État lors de leur action. Néanmoins, l’éventuelle violation de ces règles demeure soumise au contrôle ultérieur de la Commission en cas de mise en œuvre discriminatoire des fonds publics. Le juge conclut que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en validant la décision de ne pas soulever d’objections contre ce régime.