La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 24 novembre 2011, un arrêt fondamental précisant le champ d’application de la directive 2001/29/CE. Un organisateur de spectacles de cirque et de cabaret diffusait des œuvres musicales sans verser de rémunération à l’organisme de gestion collective des droits d’auteur. L’utilisateur soutenait avoir conclu des contrats de cession directe avec les compositeurs pour les exécutions réalisées lors des représentations publiques devant une audience présente. Le Tribunalul Bucureşti puis la Curtea de Apel Bucureşti ont condamné l’organisateur au paiement des sommes dues en vertu de la gestion collective obligatoire roumaine. La juridiction suprême, saisie d’un pourvoi, a interrogé la Cour sur l’interprétation de la notion de communication au public prévue par le droit de l’Union. La Cour devait déterminer si cette notion englobe les exécutions directes d’œuvres devant un public physiquement présent au lieu de l’origine de la communication. Elle affirme que la directive vise exclusivement la communication à un public non présent, excluant toute présentation directe d’une œuvre dans un lieu public.
I. La restriction conceptuelle de la notion de communication au public
A. L’exclusion des exécutions directes en présence physique du public
La Cour précise que le droit de communication ne couvre pas les actes de représentation ou d’exécution publics directs d’une œuvre protégée par le droit d’auteur. Cette solution repose sur une lecture du vingt-troisième considérant de la directive, limitant l’harmonisation aux transmissions réalisées vers un public distant par fil ou sans fil. Les juges soulignent que la communication au public doit s’entendre comme une transmission ne supposant aucun contact physique immédiat entre l’exécutant et les spectateurs. L’arrêt énonce que la directive doit être interprétée « en ce sens qu’elle vise uniquement la communication à un public qui n’est pas présent au lieu d’origine ». La présence physique des spectateurs lors des représentations de cirque exclut donc l’application automatique des dispositions harmonisées relatives à la communication au public. Cette distinction technique permet de séparer les modes de diffusion modernes liés aux réseaux numériques des formes de représentations scéniques qualifiées de traditionnelles.
B. L’alignement sur les objectifs de la société de l’information
L’interprétation de la Cour s’appuie sur la genèse de la directive 2001/29 conçue pour favoriser le développement du marché intérieur de la société de l’information. Le juge européen rappelle que ce texte vise à adapter les règles actuelles pour « tenir dûment compte des réalités économiques telles que l’apparition de nouvelles formes d’exploitation ». Le droit de communication au public au sens de la directive ne couvre aucune forme de présentation directe renvoyant à l’article 11 de la convention de Berne. Cette approche téléologique évite une extension indue du régime communautaire à des situations où le public se trouve en contact physique avec l’interprète. Les prestations de cabaret ou de cirque demeurent ainsi hors du champ d’application de l’article 3 paragraphe 1 de ladite directive relative au droit exclusif. La Cour préserve la cohérence du système juridique international en refusant de confondre la transmission à distance avec l’exécution vivante réalisée devant une assistance réunie.
II. La préservation de la souveraineté nationale sur les modes d’exploitation traditionnels
A. Le maintien des prérogatives étatiques relatives à la gestion des droits
L’exclusion des exécutions directes du champ d’application de la directive permet aux États membres de conserver leur propre législation sur ces formes de communication. Le dix-huitième considérant précise que l’acte législatif européen ne porte pas atteinte aux modalités nationales de gestion des droits, telles que les licences collectives. Dès lors que l’exécution musicale n’entre pas dans le régime harmonisé, le législateur roumain demeure libre d’imposer un système de gestion collective obligatoire. Cette liberté contractuelle restreinte au niveau national ne saurait être contestée au regard d’une directive qui ne régit pas ce type précis d’exploitation d’œuvres. La juridiction nationale doit apprécier la conformité de la redevance réclamée par l’organisme de gestion collective sans se fonder sur les critères d’harmonisation communautaires. Cette solution confirme que le droit de l’Union ne vide pas totalement les compétences législatives nationales en matière de protection de la propriété intellectuelle.
B. La recherche d’un équilibre entre liberté contractuelle et protection des auteurs
La décision de la Cour invite à maintenir un juste équilibre entre les intérêts des auteurs et ceux des utilisateurs d’œuvres dans le circuit commercial. L’organisateur de spectacles invoquait l’existence de contrats directs pour contester l’interposition systématique d’un organisme de gestion collective lors des paiements de droits patrimoniaux. Toutefois, la protection des créateurs justifie souvent l’adoption de mécanismes de gestion collective pour faciliter la perception des rémunérations lors des exécutions publiques de musique. La Cour ne se prononce pas sur la validité des doubles paiements allégués par l’utilisateur, laissant ce point à l’appréciation des juridictions de fond. Elle se borne à fixer les limites géographiques et techniques du droit exclusif d’autoriser la communication d’une œuvre au sein de l’espace européen. Cette répartition claire des compétences assure une sécurité juridique aux exploitants tout en garantissant la pérennité des droits des auteurs sur leurs compositions musicales.