La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 24 novembre 2016, précise le régime de l’importation parallèle des dispositifs médicaux. Cette décision traite des obligations de conformité imposées à un revendeur modifiant l’étiquetage d’un produit déjà certifié par le producteur d’origine. Un fabricant commercialise des pansements chirurgicaux stériles de classe I revêtus du marquage de conformité européenne. Un importateur acquiert ces produits dans d’autres États membres afin de les distribuer sur le marché d’importation. Il appose sur l’emballage une étiquette mentionnant ses coordonnées ainsi qu’un numéro pharmacologique national différent de celui du producteur initial. Le fabricant invoque une violation de la directive relative aux dispositifs médicaux pour exiger la cessation de cette commercialisation sans évaluation complémentaire. Le tribunal régional supérieur de Düsseldorf, par une décision du 7 décembre 2015, surseoit à statuer pour interroger la juridiction européenne sur la nécessité d’une telle procédure. La question posée vise à déterminer si l’ajout d’informations d’identification par un importateur parallèle impose une nouvelle évaluation de conformité. La Cour juge que l’importateur n’est pas tenu de procéder à cette évaluation supplémentaire pour de simples modifications d’étiquetage. L’étude de cette solution conduit à analyser l’interprétation de la notion de fabricant (I) avant d’envisager la garantie de la libre circulation (II).
I. L’interprétation restrictive de la notion de fabricant
La directive définit le fabricant comme la personne responsable de la conception et du conditionnement en vue d’une mise sur le marché. L’importateur parallèle ne remplit pas ces critères lorsqu’il se borne à ajouter des informations de contact sur un emballage inchangé. La Cour relève que l’intéressé achète des dispositifs « sans modifier leur conditionnement ni leur présentation originale autrement que par l’apposition d’une étiquette ». Ces mentions ne modifient pas la destination du produit ni ses caractéristiques techniques essentielles initialement évaluées par le producteur. L’étiquetage complémentaire permet d’identifier le responsable de la distribution locale sans induire le public en erreur sur l’origine du dispositif.
A. L’absence de commercialisation sous un nom propre
L’obligation de procéder à l’évaluation de conformité s’adresse exclusivement aux opérateurs mettant un dispositif sur le marché en leur nom propre. L’importateur parallèle commercialise les pansements sous le nom du fabricant initial malgré l’adjonction de ses coordonnées postales et téléphoniques. Il ne saurait être considéré comme ayant reconditionné les dispositifs dès lors que l’emballage original reste parfaitement identifiable par les utilisateurs. La juridiction souligne que cette personne ne relevant pas de la définition du fabricant « ne saurait être tenue de soumettre les dispositifs en cause à une nouvelle procédure ». L’évaluation de conformité reste ainsi l’apanage exclusif du concepteur initial du dispositif médical.
B. La préservation de l’intégrité des informations essentielles
Le juge européen vérifie que les modifications apportées à l’étiquetage ne nuisent pas à la sécurité des patients ou des tiers. Les informations requises par la réglementation pour utiliser le dispositif correctement doivent demeurer lisibles pour l’utilisateur final. L’importateur masque uniquement le numéro pharmacologique du fabricant d’origine pour apposer le sien, facilitant ainsi les opérations comptables locales. Cette opération purement administrative ne compromet nullement l’identification du lot ou la date de péremption figurant sur le conditionnement stérile. La sécurité des patients demeure préservée par le maintien des données de traçabilité fixées lors de la fabrication.
II. La garantie de la libre circulation des dispositifs médicaux
Le marquage de conformité européenne permet aux produits de circuler librement sans que les États membres ne puissent exiger des contrôles additionnels. Les dispositifs médicaux certifiés sont présumés conformes aux exigences essentielles de sécurité et de santé définies par la législation d’harmonisation. La Cour rappelle que la directive « n’envisage aucun mécanisme de contrôle de conformité venant s’ajouter ou compléter ceux prévus » initialement. Exiger une nouvelle évaluation pour une simple étiquette constituerait une entrave disproportionnée aux échanges commerciaux au sein du marché intérieur. La confiance mutuelle dans les certifications initiales assure la fluidité des flux de marchandises entre les pays européens.
A. L’efficacité de la présomption de conformité européenne
Le marquage apposé par le fabricant original atteste que le produit a déjà subi avec succès les procédures d’évaluation requises. L’article 4 de la directive interdit aux autorités nationales de faire obstacle à la mise sur le marché des dispositifs certifiés. Une nouvelle procédure d’évaluation destinée à attester la conformité des informations d’identification ajouterait une étape inutile au processus de distribution. Le droit de l’Union s’oppose à ce qu’un État membre impose un second contrôle technique pour des modifications cosmétiques. La libre circulation des marchandises prévaut sur les exigences formalistes dès lors que la sécurité du produit est intacte.
B. La suffisance des mécanismes de surveillance et de vigilance
La protection de la santé publique reste assurée par des procédures de veille sanitaire et de sauvegarde applicables à tous les produits. Les autorités nationales conservent le pouvoir de retirer du marché tout dispositif présentant un risque avéré pour les utilisateurs. L’article 10 de la directive organise un recensement centralisé de toute « inadéquation de l’étiquetage ou de la notice d’instructions susceptibles d’entraîner ou d’avoir entraîné la mort ou une dégradation grave de l’état de santé ». Ces mécanismes de vigilance permettent de réagir efficacement en cas d’incident sans imposer des barrières administratives préalables et excessives. Le contrôle du marché garantit la sécurité des citoyens tout en respectant les libertés économiques fondamentales.