Cour de justice de l’Union européenne, le 24 novembre 2020, n°C-225/19

La Cour de justice de l’Union européenne, réunie en Grande chambre, a rendu le 24 novembre 2020 une décision fondamentale concernant la procédure de délivrance des visas. Ce litige s’inscrit dans le cadre de l’application du règlement n° 810/2009 établissant un code communautaire des visas et de la Charte des droits fondamentaux. Deux ressortissants de pays tiers ont sollicité des visas de court séjour auprès des autorités néerlandaises afin de rendre visite à des membres de leur famille. Le ministre des Affaires étrangères a rejeté ces demandes au motif qu’un autre État membre avait émis une objection pour menace à l’ordre public. Les requérants ont alors saisi le tribunal de La Haye, siégeant à Haarlem, par décisions de renvoi en date du 5 mars 2019. Ils soutenaient ne pas bénéficier d’une protection juridictionnelle effective, faute de connaître l’identité de l’État objecteur et les raisons précises du refus. La juridiction de renvoi a donc interrogé la Cour sur l’étendue de l’obligation de motivation et la nature du contrôle juridictionnel requis par le droit de l’Union. La Cour répond que l’État décisionnaire doit indiquer l’identité de l’État objecteur, le motif spécifique retenu ainsi que les voies de recours disponibles. Elle précise toutefois que le juge national de l’État de demande ne peut examiner la légalité au fond d’une objection émise par un tiers.

I. L’exigence de transparence dans la motivation du refus

A. L’identification impérative de l’État membre objecteur

L’autorité nationale doit préciser l’identité de l’État membre ayant émis l’objection ainsi que le motif spécifique basé sur cette opposition dans le formulaire type. La Cour souligne que l’effectivité du contrôle exige que « l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard ». Cette précision doit figurer dans la rubrique des remarques afin de permettre au demandeur de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles. Le juge de l’Union européenne impose ainsi de dépasser le simple cochage de cases préétablies pour assurer une information réelle du justiciable. Une telle exigence permet au requérant de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir la juridiction compétente pour contester.

B. L’accès à la substance des motifs de l’objection

Le droit à un recours effectif impose une communication claire de la substance des raisons ayant conduit un État tiers à s’opposer au visa. Cette obligation de motivation reflète un principe général du droit de l’Union garantissant que l’administration ne puisse agir de manière opaque envers les administrés. L’absence de précisions factuelles priverait en effet le requérant de la possibilité de contester la base factuelle sur laquelle repose l’appréciation de la menace. La Cour estime que l’autorité nationale doit accompagner son refus de « la substance des raisons de ladite objection » pour satisfaire aux exigences de l’article 47 de la Charte. Cette transparence renforce la valeur de la décision administrative tout en limitant les risques d’arbitraire dans le cadre de la consultation préalable.

II. La segmentation du contrôle juridictionnel entre États membres

A. La compétence exclusive de l’État objecteur sur le fond

Les juridictions de l’État ayant pris la décision finale ne peuvent examiner la légalité au fond de l’objection émise par un autre État membre. La Cour affirme clairement que « la légalité au fond d’une objection émise par un État membre à la délivrance d’un visa ne saurait être contrôlée par lesdites juridictions ». Cette solution préserve la souveraineté de l’État objecteur dans l’appréciation de ses propres impératifs de sécurité intérieure ou de santé publique. Le juge de l’État de demande doit se borner à vérifier que la procédure de consultation a été correctement suivie par ses propres autorités. Cette répartition des rôles assure une cohérence logique entre la provenance de l’information sécuritaire et la responsabilité de son contrôle juridictionnel.

B. La préservation de l’effet utile du recours par l’information

L’État décisionnaire doit indiquer l’autorité étrangère compétente et les voies de recours disponibles pour permettre au demandeur de contester le bien-fondé de l’objection. Cette information garantit que le recours du demandeur « ne peut pas être définitivement rejeté sans qu’il ait eu la possibilité concrète d’exercer ses droits ». L’État membre qui refuse le visa doit ainsi orienter le justiciable vers le juge de l’État objecteur, seul apte à juger du fond. Cette portée procédurale de l’arrêt clarifie la collaboration entre États membres tout en assurant une protection continue du demandeur à travers l’espace Schengen. La décision instaure ainsi un mécanisme de protection par étapes, conciliant la sécurité collective des frontières extérieures et les droits individuels fondamentaux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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