Cour de justice de l’Union européenne, le 24 novembre 2020, n°C-510/19

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 24 novembre 2020, une décision fondamentale concernant l’interprétation de la notion d’autorité judiciaire d’exécution. Cette affaire s’inscrit dans le cadre de la coopération pénale européenne et du mécanisme du mandat d’arrêt européen. Une personne remise en exécution d’un mandat d’arrêt fait l’objet de poursuites complémentaires nécessitant le consentement de l’autorité ayant ordonné la remise initiale. Le tribunal de première instance d’Amsterdam a saisi la Cour afin de préciser si un service du procureur peut valablement accorder ce consentement. La juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité du statut de magistrat soumis à des instructions du pouvoir exécutif avec les exigences européennes. La Cour juge qu’un procureur pouvant recevoir des instructions individuelles de l’exécutif ne constitue pas une « autorité judiciaire d’exécution » au sens de la décision-cadre. Cette solution repose sur une définition autonome de la fonction judiciaire et sur l’impératif d’indépendance organique.

I. La définition autonome et fonctionnelle de l’autorité judiciaire d’exécution

A. L’indépendance conceptuelle de la notion d’autorité judiciaire

La Cour affirme que la notion d’autorité judiciaire d’exécution « constitue une notion autonome du droit de l’Union ». Cette interprétation unifiée évite que la portée du mandat d’arrêt européen ne varie selon les législations nationales des États membres. Les juges soulignent que cette autorité englobe les entités qui « participent à l’administration de la justice pénale » sans être nécessairement des juridictions. Le droit de l’Union impose ainsi des critères uniformes pour identifier les acteurs de la coopération pénale. Cette approche garantit une application cohérente de la décision-cadre sur l’ensemble du territoire européen.

B. Les critères d’exercice des fonctions judiciaires

L’autorité doit agir « de manière indépendante dans l’exercice des fonctions inhérentes à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen ». La participation à l’administration de la justice constitue le premier pilier de cette qualification fonctionnelle. Le respect des « exigences découlant d’une protection juridictionnelle effective » complète ce cadre normatif indispensable. Cette protection suppose que la décision de remise ou de consentement soit soumise à un contrôle rigoureux. Les autorités concernées doivent offrir des garanties suffisantes pour protéger les droits fondamentaux des personnes poursuivies. L’analyse fonctionnelle retenue par le juge européen prime donc sur la simple dénomination nationale de l’organe décisionnel.

II. L’exigence d’indépendance excluant le ministère public subordonné

A. L’incompatibilité des instructions de l’exécutif avec la fonction judiciaire

La Cour précise qu’un procureur ne peut être considéré comme une autorité judiciaire s’il reçoit des « instructions individuelles de la part du pouvoir exécutif ». L’existence d’un lien de subordination hiérarchique avec le ministre de la justice altère la neutralité de la décision. Cette possibilité d’influence directe ou indirecte compromet gravement l’indépendance organique et fonctionnelle requise par les textes européens. Le procureur doit pouvoir exercer son pouvoir décisionnel sans subir de pressions extérieures lors de l’examen des demandes. L’impartialité de l’autorité d’exécution demeure une condition de validité essentielle pour toutes les procédures de remise.

B. Les limites de la coopération pénale fondée sur la confiance mutuelle

Le principe de confiance mutuelle entre les États membres exige des autorités d’exécution qu’elles agissent avec une autonomie réelle. La Cour limite ainsi la capacité de certains ministères publics à intervenir dans le cadre de l’article 27 de la décision-cadre. Les dispositions relatives au consentement pour des poursuites ultérieures requièrent la même rigueur que l’émission initiale du mandat. L’exclusion des procureurs subordonnés renforce la légitimité juridique de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Cette jurisprudence protège l’individu contre l’arbitraire potentiel d’une autorité soumise aux intérêts politiques du gouvernement.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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