La Cour de justice de l’Union européenne, septième chambre, a rendu le 23 mars 2023 une décision portant sur l’exonération des droits d’accise harmonisés. Le litige trouve son origine dans une réglementation nationale subordonnant le bénéfice d’une exonération fiscale au placement de l’alcool sous un régime de suspension. Une institution requérante a engagé un recours en manquement, estimant que cette exigence constituait une entrave disproportionnée à l’exercice d’un droit fondamental des opérateurs. L’État membre défendeur a justifié cette mesure par la nécessité de prévenir la fraude, affirmant que le système était plus efficace qu’un mécanisme de remboursement. La question posée était de savoir si le droit de l’Union impose aux États de prévoir un système parallèle de remboursement pour garantir l’exonération. La juridiction rejette le recours en précisant que le remboursement demeure une simple faculté dont la mise en œuvre relève de la discrétion nationale. L’analyse de cette solution invite à considérer l’étendue de l’autonomie des États avant d’évaluer la validité de leurs mesures au regard de la proportionnalité.
I. La reconnaissance de l’autonomie nationale dans le choix des modalités d’exonération
A. L’interprétation facultative du mécanisme de remboursement des droits
L’article concerné prévoit que les États membres « peuvent » donner effet aux mesures d’exonération par un remboursement de l’accise déjà acquittée par l’opérateur économique. Le terme employé par le législateur européen indique clairement l’absence d’obligation stricte quant à l’établissement d’une telle procédure au sein du droit national. La juridiction confirme que le contexte et les objectifs de la directive corroborent cette lecture, laissant ainsi une marge d’appréciation aux autorités compétentes. Si « l’exonération des produits visés… constitue le principe », les modalités de sa mise en œuvre demeurent dépendantes des choix organisationnels opérés par chaque gouvernement. Toutefois, l’exercice de cette compétence ne doit pas aboutir à remettre en cause le caractère inconditionnel de l’obligation d’exonération prévue par le texte.
B. La légitimité du recours exclusif au régime de suspension
Le régime de suspension est considéré comme un instrument approprié pour « assurer l’application correcte et directe de l’exonération » tout en luttant contre l’évasion. L’institution requérante n’a pas démontré que cette exigence technique vidait de sa substance le droit à l’exonération dont bénéficient les producteurs de médicaments. Cette condition est de nature à contribuer à la réalisation de l’objectif de prévention des abus sans remettre en cause l’obligation d’exonération inconditionnelle. La décision souligne la validité intrinsèque de cette procédure, laquelle permet une surveillance rigoureuse des mouvements de marchandises sensibles sur le territoire de l’Union. L’acceptation de ces modalités administratives conduit alors à s’interroger sur la réalité des contraintes économiques réelles pesant sur les opérateurs de ce secteur.
II. La validation de la mesure nationale au regard de l’exigence de proportionnalité
A. L’échec de la démonstration d’une charge excessive pour les importateurs
Le principe de proportionnalité exige que les inconvénients causés par une mesure étatique ne soient pas démesurés par rapport aux buts légitimes poursuivis. L’institution requérante affirmait que l’obligation de recourir à un entrepôt fiscal engendrait des coûts supplémentaires grevant lourdement la compétitivité des entreprises importatrices. Cependant, elle n’a fourni aucun élément probant permettant d’étayer cette allégation, se limitant à des affirmations générales dépourvues de toute valeur de preuve. Or, la Cour rappelle qu’il incombe à la partie poursuivante d’apporter des éléments concrets « sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque ». L’absence de preuves matérielles concernant les frais d’accès aux infrastructures fiscales empêche la juridiction de constater une violation manifeste des principes fondamentaux.
B. La primauté de l’objectif de sécurisation des recettes fiscales
Un mécanisme de remboursement peut également impliquer des coûts importants de trésorerie pour les opérateurs, rendant la comparaison entre les deux systèmes particulièrement délicate. En l’absence de preuve d’une solution alternative moins contraignante, la juridiction valide le choix de l’État membre de privilégier la suspension des droits. L’objectif de lutte contre la fraude autorise les autorités nationales à fixer des conditions strictes tant qu’elles ne s’avèrent pas manifestement inappropriées. Cette jurisprudence réaffirme ainsi l’équilibre nécessaire entre la facilitation du commerce intracommunautaire et la protection indispensable des intérêts financiers des différentes structures étatiques. Ainsi, la mesure nationale est jugée conforme au droit de l’Union car elle préserve l’efficacité du contrôle fiscal sans entraver excessivement l’activité.