Cour de justice de l’Union européenne, le 24 novembre 2022, n°C-289/21

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 7 juillet 2022, précise l’étendue du droit à une protection juridictionnelle effective en droit européen.

Un justiciable a introduit un recours devant la Cour administrative suprême de Bulgarie contre une disposition nationale relative à la répartition de la consommation d’énergie thermique.

Alors que la juridiction de première instance avait annulé ce texte pour non-conformité à une directive, le législateur a modifié la norme litigieuse en cours d’instance.

La formation de jugement supérieure a alors considéré que le litige était devenu sans objet, clôturant la procédure sans statuer sur le fond du droit.

Le tribunal administratif de la ville de Sofia, saisi d’une action indemnitaire, a interrogé la Cour de justice sur la compatibilité de cette pratique procédurale nationale.

La question posée visait à déterminer si l’article 47 de la Charte s’oppose à la clôture automatique d’un recours après l’abrogation de l’acte réglementaire contesté.

Le juge européen répond positivement, imposant aux juridictions nationales de vérifier l’intérêt résiduel des parties à obtenir une annulation rétroactive pour garantir l’efficacité du droit.

I. L’exigence d’un contrôle juridictionnel malgré la disparition de l’acte

A. L’insuffisance de l’abrogation de l’acte réglementaire

Le juge européen opère une distinction fondamentale entre la disparition future d’un acte et l’effacement rétroactif de ses conséquences juridiques passées sur les situations individuelles.

Il rappelle que « l’abrogation d’une telle disposition n’a d’effet que pour l’avenir (ex nunc) », ne remettant pas en cause les effets produits précédemment.

À l’inverse, « l’annulation d’une disposition de droit national opère de manière rétroactive (ex tunc) », permettant la disparition totale des effets subis par les justiciables.

La seule modification législative ne suffit donc pas à rétablir la légalité pour les rapports juridiques nés sous l’empire de la norme déclarée contraire.

Cette différence de nature justifie le maintien de l’intérêt à agir du requérant souhaitant obtenir l’éviction complète des mesures préjudiciables à sa situation particulière.

B. L’obligation de prendre en compte l’intérêt à agir persistant

Le principe d’effectivité s’oppose à une règle nationale concluant à la perte d’objet du litige de manière automatique dès l’abrogation de la norme contestée.

La décision de clôturer la procédure ne peut intervenir « sans que les parties aient pu préalablement faire valoir leur éventuel intérêt à ce que la procédure soit poursuivie ».

L’autorité juridictionnelle doit ainsi vérifier si le justiciable vise seulement à empêcher des effets futurs ou s’il entend contester des griefs déjà nés.

Le juge national est tenu d’analyser si la situation particulière du requérant nécessite une décision au fond pour assurer la pleine sauvegarde de ses droits.

Le respect du droit à un recours effectif impose cette analyse concrète de l’utilité du jugement, assurant ainsi la pleine effectivité des prérogatives juridiques européennes.

II. La garantie de l’effectivité des droits issus de l’ordre juridique européen

A. Les limites de l’autonomie procédurale des États membres

Les modalités des recours ne doivent pas rendre « impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union ».

Si les États règlent librement leurs procédures, ils doivent impérativement respecter le principe de protection juridictionnelle effective consacré par les traités et la Charte.

La Cour admet qu’un recours perd son objet si l’abrogation législative procure au requérant le résultat exact qu’il souhaitait obtenir par son action initiale.

Elle censure cependant une pratique privant le justiciable de la possibilité de démontrer que l’abrogation est insuffisante pour réparer l’atteinte portée à ses intérêts.

La protection substantielle des droits prime sur les considérations de célérité ou d’économie de procédure souvent invoquées par les juridictions nationales pour éviter de statuer.

B. L’inadéquation d’un recours indemnitaire substitutif imposé

L’existence d’un recours en responsabilité contre l’État ne saurait justifier l’extinction forcée d’une action en annulation visant à écarter une norme nationale incompatible.

Le justiciable conserve la liberté de choisir la voie de droit qu’il estime la plus adaptée à ses objectifs sans subir de contraintes procédurales excessives.

L’imposition d’un nouveau procès indemnitaire entraînerait des « inconvénients procéduraux, en termes, notamment, de coût, de durée et de règles de représentation » souvent dissuasifs.

Il est jugé disproportionné d’obliger un individu à engager une seconde procédure alors que la juridiction de cassation est déjà saisie du litige initial.

Cette solution garantit que l’accès au juge demeure direct, évitant que les obstacles administratifs n’altèrent la substance même des libertés fondamentales garanties par l’Union.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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