Cour de justice de l’Union européenne, le 24 octobre 2019, n°C-212/18

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 14 mai 2020 une décision fondamentale relative à la qualification juridique des substances résiduelles. Une société exploitant une centrale thermique souhaitait remplacer le méthane par un bioliquide issu du traitement chimique d’huiles de friture usagées. L’autorité compétente a rejeté cette demande car l’huile végétale en cause ne figurait pas sur la liste réglementaire des combustibles autorisés. Le Tribunale amministrativo regionale per il Piemonte a donc sursis à statuer pour interroger la Cour sur l’interprétation des directives européennes applicables. Le problème juridique consiste à savoir si le droit de l’Union interdit une liste nationale limitative dont la modification relève d’une procédure distincte. L’analyse du raisonnement de la Cour révèle d’abord un encadrement rigoureux de la sortie du statut de déchet avant d’aborder la primauté du principe de précaution.

I. L’encadrement rigoureux de la sortie du statut de déchet

A. La validité des critères nationaux d’exclusion

Le juge européen rappelle que la directive relative aux déchets définit ces derniers comme toute substance dont le détenteur a l’obligation de se défaire. L’article 6 de ce texte prévoit que certains objets cessent d’être des déchets lorsqu’ils répondent à des critères spécifiques de valorisation ou de recyclage. Toutefois, en l’absence de règles harmonisées au niveau de l’Union, les États membres disposent d’une large marge d’appréciation pour définir ces critères précis. La Cour souligne qu’un « État membre peut […] décider de ne prévoir, pour certains types de déchets, ni critères ni possibilité de décision individuelle ». Cette exclusion automatique d’une substance non listée est donc conforme au droit européen si elle vise à garantir une protection environnementale optimale. La qualification de combustible dépend ainsi strictement de l’inscription préalable de la matière sur une liste nationale établie par un acte de portée générale.

B. L’autonomie des procédures administratives d’autorisation

L’arrêt examine ensuite la déconnexion entre la procédure d’autorisation de l’installation et celle de la modification de la liste des combustibles autorisés. Une société avait fait valoir que l’impossibilité de contester l’absence d’une substance lors de l’autorisation individuelle violait le principe de simplification administrative. Le juge écarte cet argument en précisant que les obligations de proportionnalité ne visent pas les procédures réglementaires d’adoption des critères de fin de déchet. L’indépendance des procédures administratives permet à l’État de maintenir un contrôle global sur les risques sanitaires liés à la combustion de nouveaux produits. Cette structure réglementaire assure la cohérence de la politique nationale de gestion des déchets face aux demandes particulières des exploitants d’installations énergétiques. La protection de la santé humaine justifie que la modification de la liste des combustibles demeure une prérogative centrale du pouvoir réglementaire national.

II. La primauté du principe de précaution sur les objectifs énergétiques

A. La persistance d’une incertitude scientifique sur l’innocuité

L’étude du bilan environnemental positif de la substitution du méthane ne suffit pas à garantir l’absence totale de risques pour l’atmosphère. La Cour indique que « l’existence d’un certain degré d’incertitude scientifique […] peut conduire un État membre […] à décider de ne pas faire figurer cette substance ». Le principe de précaution impose aux autorités de s’abstenir de constater la fin du statut de déchet si un doute subsiste sur les effets nocifs. L’utilisation d’une huile végétale traitée chimiquement comme combustible direct peut libérer des réactifs chimiques différents de ceux produits lors d’une utilisation comme biogazole. Chaque usage spécifique doit faire l’objet d’une vérification séparée car le respect des conditions de valorisation dépend du traitement thermique envisagé par l’exploitant. La sécurité environnementale prévaut ainsi sur les avantages techniques immédiats constatés par le demandeur lors de la présentation de son dossier d’autorisation.

B. Le contrôle restreint de l’appréciation des autorités nationales

Il appartient à la juridiction nationale de vérifier que l’absence d’inscription d’une substance ne procède pas d’une erreur manifeste de l’administration. Le juge européen limite son intervention à la fourniture d’indications utiles tout en laissant au juge du fond le soin d’apprécier les faits. La réglementation ne doit pas compromettre l’objectif de la directive qui est l’amélioration de l’efficacité de la gestion des ressources et des déchets. Cependant, la Cour valide une approche restrictive si l’État estime que les connaissances scientifiques actuelles ne permettent pas de conclure à une innocuité parfaite. Ce contrôle de l’erreur manifeste permet de sanctionner des refus purement arbitraires tout en préservant la souveraineté technique des États en matière environnementale. La décision finale repose sur la capacité de l’autorité publique à démontrer que son choix réglementaire est guidé par une application prudente du droit.

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Hassan KOHEN
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