Cour de justice de l’Union européenne, le 24 octobre 2024, n°C-441/23

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 6 octobre 2025, précise le champ d’application de la directive 2008/104 relative au travail intérimaire. Dans cette affaire, un travailleur fut mis à disposition d’une entreprise par une entité dépourvue d’autorisation administrative pour exercer cette activité. Le litige portait sur la qualification de la relation contractuelle et sur le niveau de rémunération dû à l’intéressé durant sa mission. Saisi par le Tribunal Superior de Justicia de Madrid, le juge devait déterminer si l’absence de reconnaissance légale d’une agence bloquait le régime protecteur. La juridiction de renvoi interrogeait également les critères constitutifs du travail intérimaire et l’étendue de l’égalité de traitement salarial. La Cour affirme que la directive s’applique dès lors qu’un lien de travail existe en vue d’une mise à disposition effective. Elle consacre une vision matérielle de la subordination et impose une égalité de rémunération stricte avec les salariés permanents.

I. L’identification fonctionnelle de l’entreprise de travail intérimaire

A. L’indifférence de la reconnaissance administrative nationale

La Cour juge que la directive « s’applique à toute personne physique ou morale qui noue un contrat de travail » pour une mise à disposition temporaire. Le défaut d’autorisation administrative en droit interne ne permet pas d’écarter la qualification européenne d’entreprise de travail intérimaire pour l’employeur. Cette interprétation garantit que les entreprises ne puissent pas éluder leurs obligations sociales en se prévalant d’une irrégularité formelle au regard des lois nationales. Le texte européen privilégie ainsi la réalité de l’activité économique sur les labels juridiques octroyés par les autorités étatiques.

B. La caractérisation de la subordination envers l’utilisateur

La notion de travail intérimaire suppose que le travailleur se trouve « sous le contrôle et la direction » de l’entreprise utilisatrice durant sa mission. Le juge vérifie si cette dernière impose les prestations à réaliser, la manière de les accomplir et le respect de ses propres règles internes. L’exercice d’une surveillance effective sur l’exécution des fonctions constitue l’élément déterminant de cette relation tripartite complexe. Cette approche pragmatique permet de protéger les travailleurs contre les abus liés aux structures d’emploi opaques ou non déclarées.

II. La consécration du droit à l’égalité de traitement salarial

A. L’exigence impérative de parité avec les recrutements directs

L’article 5, paragraphe 1, de la directive impose que le travailleur perçoive un salaire « au moins égal à celui qu’il aurait perçu » s’il était recruté directement. La Cour refuse toute distinction fondée sur la nature de l’employeur initial dès lors que la mission de travail intérimaire est caractérisée. Cette règle assure que la flexibilité offerte aux entreprises ne se traduise pas par une réduction injustifiée du coût du travail pour l’utilisateur. La protection financière de l’intérimaire devient un pilier central de l’organisation des marchés du travail au sein de l’espace européen.

B. La portée protectrice d’un régime harmonisé au sein de l’Union

En rejetant les critères administratifs rigides, le juge européen étend le bénéfice de la protection sociale à une plus grande diversité de situations professionnelles. L’arrêt renforce l’effectivité du droit de l’Union en empêchant les contournements frauduleux des normes minimales de travail par des entreprises non agréées. Les États membres doivent désormais veiller à ce que chaque travailleur bénéficie des garanties prévues, indépendamment des spécificités techniques locales. Cette décision stabilise la jurisprudence relative au travail atypique en plaçant l’égalité de traitement au cœur du modèle social de l’Union.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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