Cour de justice de l’Union européenne, le 24 octobre 2024, n°C-513/23

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision rendue le 6 octobre 2025, précise l’étendue des obligations pesant sur les acheteurs publics lors de la passation des marchés. Le litige au principal concerne la régularité d’une procédure d’appel d’offres relative à des travaux de reconstruction urbaine bénéficiant de financements issus du budget de l’Union. Un pouvoir adjudicateur a inséré des références à des normes techniques nationales et européennes dans ses spécifications sans ajouter la mention « ou équivalent ». L’autorité de gestion du programme de financement a infligé une correction financière de 25 % au motif que l’omission de cette précision restreignait la concurrence.

Saisi d’un recours en annulation contre cette sanction, le tribunal administratif compétent a décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur l’interprétation de la directive. Le pouvoir adjudicateur soutenait que les normes harmonisées en cause ne souffraient aucune équivalence technique possible dans le domaine de la normalisation internationale. À l’opposé, l’autorité administrative considérait que la réglementation nationale, transposant le droit de l’Union, impose cette mention pour toute référence à une spécification technique. La question juridique posée porte sur l’obligation systématique d’insérer la clause d’équivalence, y compris pour des normes harmonisées relevant d’un règlement spécifique. La Cour répond que la directive impose d’accompagner chaque référence à une norme de la mention « ou équivalent » pour garantir une concurrence effective.

I. L’exigence textuelle d’une clause d’équivalence systématique

A. Le caractère inconditionnel de la mention réglementaire

L’article 42 de la directive 2014/24 prévoit que les spécifications techniques peuvent être formulées par référence à des normes nationales transposant des standards européens. Le texte précise sans ambiguïté que « chaque référence est accompagnée de la mention « ou équivalent » » afin de ne pas créer d’obstacles injustifiés à l’ouverture des marchés. La Cour souligne que le libellé de cette disposition impose l’ajout systématique de cette mention dès qu’une norme est citée dans les documents du marché.

Cette obligation textuelle ne souffre aucune dérogation explicite en fonction de la valeur du marché ou de la nature précise des travaux de construction concernés. Le juge européen rappelle que la directive définit la norme comme une spécification « dont le respect n’est pas obligatoire » et qui est mise à disposition du public. L’insertion de la clause d’équivalence constitue donc une formalité substantielle dont l’omission suffit à caractériser un manquement aux règles de passation des contrats publics.

B. L’indifférence du caractère harmonisé de la norme technique

Le pouvoir adjudicateur arguait que l’équivalence n’avait aucun sens pour des normes harmonisées établissant une règle unique pour un objet technique donné. La Cour rejette cet argument en précisant que la directive ne prévoit aucune exception pour les normes relevant du règlement relatif aux produits de construction. Il est donc « indifférent que la norme figure dans la liste des normes harmonisées » pour dispenser l’acheteur de mentionner la possibilité d’une solution alternative.

L’interprétation retenue privilégie la lettre de la directive sur les considérations techniques liées à l’unicité des standards de normalisation au sein du marché intérieur. La juridiction affirme que la réglementation nationale peut exiger cette mention dans tous les cas où les documents du marché font référence à des normes européennes. Cette solution assure une application uniforme du droit de l’Union, empêchant les acheteurs publics de limiter artificiellement le choix des produits ou des procédés techniques.

II. La finalité concurrentielle de l’ouverture des spécifications techniques

A. La protection de la diversité des solutions techniques

Le considérant 74 de la directive 2014/24 souligne que les spécifications techniques doivent permettre d’ouvrir les marchés publics à la concurrence et d’atteindre des objectifs de durabilité. La rédaction des exigences en termes de performances permet généralement d’éviter de favoriser un opérateur économique particulier au détriment des autres entreprises innovantes. La Cour juge que la mention d’équivalence est nécessaire pour refléter « la diversité des solutions techniques » existant réellement sur le marché de la construction.

En imposant la clause d’équivalence, le juge protège l’accès des entreprises proposant des procédés originaux qui satisfont néanmoins aux exigences essentielles définies par l’acheteur public. Cette approche fonctionnelle empêche les pouvoirs adjudicateurs de s’enfermer dans des habitudes de prescription technique qui pourraient exclure des produits équivalents provenant d’autres États membres. L’ouverture maximale des marchés publics demeure le principe cardinal justifiant cette rigueur formelle imposée aux autorités contractantes lors de la rédaction des avis.

B. L’aménagement du régime de la preuve de l’équivalence

L’article 42, paragraphe 5, de la directive permet au soumissionnaire de prouver dans son offre que sa solution satisfait « de manière équivalente » aux exigences requises. Le candidat peut utiliser tout moyen approprié, tel que le dossier technique du fabricant, pour établir la conformité de ses fournitures aux objectifs de l’acheteur. Cette faculté de preuve constitue le corollaire indispensable de l’obligation de mentionner l’équivalence dans les cahiers des charges rédigés par les autorités.

La portée de l’arrêt confirme que la charge de la preuve de l’équivalence repose sur l’opérateur économique tout en obligeant l’acheteur à l’accepter. Le juge européen valide ainsi les réglementations nationales qui sanctionnent l’omission de la clause d’équivalence par des corrections financières systématiques sur les subventions octroyées. Cette décision renforce la sécurité juridique des procédures en rappelant que le formalisme de la directive sert directement l’efficacité économique et la liberté de circulation.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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