Cour de justice de l’Union européenne, le 25 avril 2024, n°C-366/23

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 25 avril 2024, une décision relative au recouvrement de créances issues de subventions publiques. Une société avait conclu une convention de subvention dans le cadre d’un programme européen de recherche et d’innovation. Suite à un audit, l’organe exécutif a exigé le remboursement d’une partie des fonds versés pour l’exécution du projet. La débitrice a sollicité un étalement de sa dette, mais l’institution a subordonné son accord à la présentation d’une garantie bancaire. La société a alors saisi le Tribunal de l’Union européenne du 12 avril 2023 d’un recours en annulation contre cette décision de refus. La juridiction de première instance a rejeté la demande, considérant l’exigence de sûreté financière comme parfaitement légitime dans ce contexte. Un pourvoi a été formé devant la Cour de justice, invoquant notamment une erreur manifeste d’appréciation et une violation de la proportionnalité. Le litige porte sur la légalité du refus d’un remboursement échelonné dépourvu de garanties au regard des principes de bonne administration. La Cour de justice rejette le pourvoi, confirmant ainsi la primauté de la protection des intérêts financiers de l’Union sur les difficultés du débiteur. La confirmation de la discrétion administrative dans la gestion des créances publiques précède l’analyse de la prééminence des intérêts financiers sur la situation du débiteur.

I. La confirmation de la discrétion administrative dans la gestion des créances publiques

A. Le contrôle restreint de l’erreur manifeste d’appréciation La Cour valide l’analyse selon laquelle l’administration bénéficie d’une marge de manœuvre étendue pour fixer les modalités de recouvrement des fonds. Elle souligne que « le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la Commission n’était pas tenue d’accorder un échelonnement ». Cette interprétation limite le contrôle juridictionnel aux seules erreurs grossières commises par l’institution dans l’évaluation de la situation financière de la partie. Par conséquent, le juge refuse de substituer sa propre appréciation économique à celle de l’organe compétent pour la gestion du budget européen. La décision confirme que l’absence de garantie bancaire constitue un motif suffisant pour rejeter une demande de paiement fractionné des sommes dues.

B. L’exigence légitime d’une garantie financière pour l’étalement de la dette La protection du budget de l’Union justifie que l’octroi de facilités de paiement soit assorti de conditions strictes de solvabilité. Les juges considèrent que « l’exigence d’une garantie bancaire ne saurait être considérée comme disproportionnée », même si elle aggrave la situation de la société. Toutefois, l’institution doit s’assurer que le recouvrement futur ne sera pas compromis par une éventuelle insolvabilité de la débitrice durant la période accordée. Cette rigueur procédurale garantit l’égalité de traitement entre tous les bénéficiaires de fonds publics soumis à des procédures de restitution similaires. L’arrêt écarte ainsi toute obligation pour l’administration de prendre en compte la capacité réelle d’emprunt de la partie au-delà des règles comptables. Cette prééminence des intérêts financiers de l’Union s’impose alors systématiquement face à la situation précaire du débiteur.

II. La prééminence des intérêts financiers de l’Union sur la situation du débiteur

A. L’écartement du principe de confiance légitime en matière de recouvrement La requérante invoquait une violation de ses attentes légitimes, arguant que son investissement dans la recherche méritait une certaine souplesse administrative. La Cour répond que le remboursement intégral demeure la règle et que « des assurances précises de la part de l’administration » sont nécessaires. En effet, aucun comportement de l’institution n’avait laissé croire à la société qu’elle bénéficierait d’une remise ou d’un aménagement de sa dette. Le cadre contractuel de la subvention impose des obligations strictes dont le non-respect entraîne mécaniquement des conséquences financières pour le partenaire privé. Cette position renforce la sécurité juridique en interdisant toute interprétation subjective des clauses relatives à la restitution des aides perçues.

B. La portée de la décision sur la rigueur budgétaire européenne Cet arrêt renforce la position de l’administration européenne face aux entreprises privées engagées dans des projets de recherche financés par le contribuable. La solution adoptée par la Cour consacre une approche strictement financière du droit des contrats publics européens au détriment de l’équité économique. Elle rappelle que le but du programme n’est pas de subventionner durablement des entités en difficulté, mais de financer des résultats scientifiques. En validant le rejet du pourvoi, la juridiction de Luxembourg adresse un signal de fermeté concernant la gestion des fonds issus du programme Horizon. Dès lors, cette jurisprudence dissuade les tentatives de report de dettes basées uniquement sur des arguments liés à la survie financière des bénéficiaires.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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