Par un arrêt en manquement, la Cour de justice de l’Union européenne se prononce sur la compatibilité d’une législation nationale avec les dispositions de la directive relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. En l’espèce, une réglementation nationale prévoyait d’exonérer de la taxe sur la valeur ajoutée les prestations de services fournies par des associations de sports nautiques à but non lucratif, notamment la location de postes d’amarrage. Toutefois, cette exonération était subordonnée à la condition que ces associations n’emploient aucun salarié pour la fourniture de leurs services. Saisie par la Commission européenne, la Cour a été amenée à examiner si une telle distinction entre les organismes sans but lucratif selon qu’ils emploient ou non du personnel était conforme au droit de l’Union. Le problème de droit soulevé portait sur la faculté pour un État membre de restreindre le champ d’application d’une exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par la directive en y ajoutant une condition qui n’y figure pas expressément. La Cour de justice a jugé que l’État membre avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union. Elle a considéré que la directive ne permet pas d’exclure du bénéfice de l’exonération les organismes sans but lucratif au seul motif qu’ils emploient des salariés, une telle condition restreignant de manière illégitime la portée de l’exonération.
L’arrêt réaffirme ainsi l’interprétation stricte des conditions d’exonération prévues par la directive (I), tout en écartant la justification avancée par l’État membre relative aux risques de distorsion de concurrence (II).
I. La portée de l’exonération des prestations de services liées au sport
La Cour de justice clarifie l’application de l’exonération en matière de taxe sur la valeur ajoutée pour les services liés au sport en rappelant d’une part le champ des prestations concernées (A) et en interdisant d’autre part l’ajout de conditions restrictives non prévues par la directive (B).
A. Le caractère indispensable du service pour la pratique sportive
La décision porte sur des prestations de location de postes d’amarrage et d’emplacements pour l’entreposage de bateaux. La Cour examine ces services au regard de l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive 2006/112/CE, qui exonère « certaines prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique ». L’arrêt confirme que de telles prestations, lorsqu’elles sont « étroitement liée[s] et indispensable[s] à la pratique de ce sport », peuvent bénéficier de l’exonération. Cette approche fonctionnelle permet de rattacher un service, par nature non sportif, à la pratique sportive elle-même. La Cour distingue ainsi les activités de simple loisir, qui restent soumises à la taxe, de celles qui sont nécessaires à l’exercice d’un sport. En conséquence, la nature du service ne suffit pas à déterminer son régime fiscal, lequel dépend de son lien direct et nécessaire avec l’activité sportive exonérée.
B. L’interdiction d’ajouter une condition liée à l’emploi de salariés
Le cœur du raisonnement de la Cour réside dans le rejet de la condition supplémentaire imposée par la législation nationale. Celle-ci réservait l’exonération aux seules associations de sports nautiques n’employant aucun salarié. Or, la Cour affirme de manière péremptoire que « l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive 2006/112 ne permet pas de prévoir une condition telle que celle posée par la législation nationale en cause ». La directive vise en effet, « sans distinction, tous les organismes sans but lucratif ». En restreignant le bénéfice de l’exonération aux seules structures sans salariés, la législation nationale introduit une limitation contraire aux objectifs et au texte de la directive. La Cour souligne que cette condition restreint le champ d’application de l’exonération d’une manière que la directive n’autorise pas. Le statut d’organisme sans but lucratif est le seul critère pertinent, indépendamment de son organisation interne ou de ses ressources humaines.
Cette interprétation littérale de la directive conduit logiquement la Cour à écarter l’argument de l’État membre fondé sur la nécessité de prévenir les déséquilibres économiques.
II. Le rejet de la justification fondée sur les distorsions de concurrence
L’État membre mis en cause tentait de justifier sa législation par un objectif de politique économique (A), mais la Cour a balayé cet argument en affirmant la primauté du texte de la directive (B).
A. Le principe de neutralité fiscale comme fondement de la législation nationale
L’État défendeur soutenait que la distinction entre les associations avec et sans salariés « a été établie afin d’éviter des distorsions de concurrence au détriment des entreprises commerciales de sports nautiques assujetties à la TVA ». L’argument repose sur le principe de neutralité fiscale, qui vise à garantir que des services similaires soient soumis à un traitement fiscal équivalent pour ne pas fausser la concurrence. Dans l’esprit du législateur national, une association employant des salariés se rapprocherait du modèle d’une entreprise commerciale. La soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée permettrait donc de rétablir une égalité de traitement fiscal entre tous les opérateurs économiques structurés de manière similaire sur un même marché. Cette préoccupation, bien que légitime sur le plan économique, se heurte directement au cadre juridique fixé par le législateur de l’Union.
B. La primauté du texte de la directive sur l’objectif de non-distorsion
La Cour de justice écarte l’argumentaire de l’État membre sans même en examiner le bien-fondé économique. Elle juge la condition litigieuse incompatible avec la directive « sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la question, contestée entre les parties, de savoir si cette même condition est effectivement susceptible de prévenir des distorsions de concurrence ». Cette approche formaliste démontre que les conditions d’exonération prévues par la directive sont d’interprétation stricte et ne sauraient être aménagées par les États membres au nom d’objectifs non expressément prévus par les textes. Les possibilités de restreindre une exonération sont limitativement énumérées à l’article 133 de la directive, et la condition relative à l’absence de salariés n’y figure pas. En refusant d’entrer dans le débat sur l’opportunité économique de la mesure, la Cour réaffirme avec force que le respect de la lettre de la directive prime sur les considérations nationales de politique concurrentielle.