Par un arrêt rendu le 25 février 2021, la Cour de justice de l’Union européenne précise les contours de la libre circulation des capitaux en matière fiscale. Le litige opposait une société de gestion au ministre de l’Action et des Comptes publics suite à l’imposition de dividendes provenant de divers États membres. Cette entité avait subi des retenues à la source à l’étranger et revendiquait l’imputation totale de ces montants sur son impôt sur les sociétés. L’administration avait néanmoins réduit ce crédit d’impôt au montant de la taxe française calculée sur le revenu net après déduction des charges d’acquisition. Le Conseil d’État a saisi la juridiction européenne par voie préjudicielle afin de vérifier la conformité de ce plafonnement avec le principe de libre circulation. La question portait sur l’obligation de compenser intégralement un prélèvement étranger lorsque le plafond national est inférieur à la taxe acquittée à la source. La Cour a décidé que l’article 63 du Traité ne s’opposait pas à une telle limitation garantissant seulement une égalité de traitement fiscal. Cette décision souligne d’abord la souveraineté des États dans la définition de l’assiette imposable avant de limiter l’obligation de neutralisation des doubles impositions.
**I. L’affirmation de la souveraineté fiscale dans la détermination de l’assiette**
**A. La liberté de définition de la base imposable par l’État membre**
La Cour réaffirme que la détermination des règles fiscales demeure une compétence régalienne sous réserve du respect des libertés fondamentales garanties par le droit européen. Il « appartient à chaque État membre […] de définir […] l’assiette imposable ainsi que le taux d’imposition qui s’appliquent dans le chef de l’actionnaire ». L’État de résidence peut donc légitimement choisir d’imposer les dividendes sur une base nette en autorisant la déduction des charges d’exploitation réellement engagées. Cette approche permet de traiter les revenus étrangers selon les modalités de droit commun applicables à l’ensemble des bénéfices réalisés par les entreprises résidentes.
**B. La validation du mode de calcul du crédit d’impôt imputable**
Le plafonnement contesté repose sur la comparaison entre l’impôt déjà acquitté à la source et la charge fiscale que le revenu aurait supportée localement. Ce mécanisme évite que le Trésor national ne supporte la charge financière d’une fiscalité étrangère excédant le montant de sa propre créance d’impôt. Dès lors que « les mêmes règles d’imputation des charges […] s’appliqueraient à ces revenus, quelle que soit leur origine », le dispositif respecte parfaitement le principe de neutralité. Cette liberté dans l’organisation du système fiscal national encadre ainsi les exigences européennes de suppression des entraves aux mouvements de capitaux transfrontaliers.
**II. Les limites de l’obligation de neutralisation de la double imposition juridique**
**A. L’absence de restriction issue de l’exercice parallèle des compétences fiscales**
Le juge européen rappelle que les inconvénients résultant de la juxtaposition de systèmes fiscaux souverains ne constituent pas nécessairement des restrictions interdites par les traités. Le droit de l’Union ne prescrit aucun critère général pour la répartition des compétences visant à éliminer totalement les phénomènes de double imposition juridique. L’État de résidence n’est pas tenu de « prévenir les désavantages qui pourraient découler de l’exercice de la compétence ainsi répartie par les deux États membres ». La double imposition constatée ici découle uniquement de la disparité entre l’assiette brute retenue à la source et l’assiette nette appliquée au domicile.
**B. Une solution garantissant l’égalité de traitement sans imposer une compensation intégrale**
La libre circulation des capitaux vise à proscrire les discriminations sans pour autant exiger une harmonisation forcée des taux ou des assiettes d’imposition entre les nations. L’objet d’une convention bilatérale « n’est pas de garantir que l’imposition […] ne soit pas supérieure à celle à laquelle il serait assujetti dans l’autre ». La solution adoptée confirme que la conformité au droit européen est assurée dès lors que les investissements étrangers ne subissent pas de ségrégation fiscale. Le Traité ne saurait donc contraindre un État membre à renoncer à ses propres recettes pour éponger les conséquences d’un prélèvement étranger élevé.