Cour de justice de l’Union européenne, le 25 février 2021, n°C-712/19

Par un arrêt du 25 février 2021, la Cour de justice de l’Union européenne se prononce sur la conformité d’une fiscalité régionale frappant les dépôts bancaires. Un établissement de crédit disposant d’une succursale dans un État membre conteste plusieurs avis d’imposition émis par l’administration fiscale d’une communauté autonome territoriale. Les réclamations administratives font l’objet d’un rejet puis d’une confirmation par la juridiction supérieure de la région dans une décision du 27 février 2017. Saisie d’un pourvoi, la juridiction suprême nationale interroge la Cour sur la validité de déductions fiscales favorisant les établissements locaux et sur la nature de l’impôt. Il convient de déterminer si les libertés de circulation interdisent des avantages fiscaux liés au siège social ou à l’investissement local au sein d’une entité infranationale. L’examen des entraves aux libertés fondamentales précédera l’analyse de la validité de l’impôt au regard des normes techniques du droit de l’Union européenne.

**I. L’entrave aux libertés de circulation par les mécanismes de déduction fiscale**

**A. La discrimination fondée sur le siège social au regard de la liberté d’établissement**

La Cour de justice souligne que la liberté d’établissement interdit toute discrimination fondée sur le lieu du siège des sociétés entre les différents États membres. Une déduction fiscale forfaitaire réservée aux seuls établissements ayant leur siège social dans la région d’imposition crée une différence de traitement préjudiciable aux entités étrangères. Les juges précisent qu’ « en traitant d’une manière identique ces deux catégories d’établissements de crédit aux fins de l’imposition, le législateur admet » l’absence de différence de situation objective. L’objectif d’inclusion financière en milieu rural ne permet pas de justifier cet avantage car la présence du seul siège social ne garantit pas la proximité des services.

**B. L’atteinte à la libre circulation des capitaux par l’incitation à l’investissement local**

Le dispositif prévoit également des réductions d’impôt pour les investissements destinés à des projets réalisés exclusivement sur le territoire de la collectivité publique concernée par la taxe. Ces mesures visent à orienter les flux financiers vers l’économie régionale et doivent être examinées au regard de la seule liberté de circulation des capitaux entre États. La juridiction européenne affirme qu’ « un objectif de nature purement économique ne saurait justifier une restriction à une liberté fondamentale garantie par le traité » sur le fonctionnement de l’Union. Le lieu de réalisation de l’investissement ne constitue pas un critère valable pour exclure l’existence d’une discrimination lorsque la situation des contribuables est par ailleurs comparable.

**II. La validité conditionnelle du dispositif au regard du droit de l’Union européenne**

**A. La licéité des déductions liées à l’implantation des succursales territoriales**

Une seconde déduction générale prévoit un abattement calculé en fonction du nombre d’agences implantées sur le territoire de la communauté autonome sans distinction du lieu de siège. Cette disposition n’institue pas de discrimination ostensible puisque chaque établissement assujetti peut en bénéficier dès lors qu’il dispose de succursales physiques dans la circonscription fiscale. Le droit européen ne s’oppose pas à un tel mécanisme à moins qu’il n’entraîne, dans les faits, une discrimination dissimulée fondée sur l’origine de l’entité bancaire. La juridiction nationale devra vérifier si l’application de ce critère de distinction aboutit concrètement à favoriser les acteurs locaux au détriment des prestataires de services européens.

**B. L’absence de qualification de taxe sur le chiffre d’affaires prohibée**

L’analyse de la compatibilité avec la directive sur la valeur ajoutée suppose de rechercher si le prélèvement présente les caractéristiques essentielles d’une taxe sur le chiffre d’affaires. La Cour rappelle que l’article 401 « ne s’oppose pas au maintien ou à l’introduction d’une taxe qui ne présenterait pas l’une des caractéristiques essentielles » du régime fiscal commun. L’impossibilité de répercuter la charge sur le consommateur final et l’absence de proportionnalité au prix de la prestation empêchent toute assimilation à la taxe sur la valeur ajoutée. Le système fiscal étudié demeure donc licite dès lors qu’il ne compromet pas le fonctionnement du marché intérieur par une taxation occulte des transactions commerciales courantes.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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