Cour de justice de l’Union européenne, le 25 février 2025, n°C-339/22

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 6 octobre 2025, un arrêt précisant l’articulation des règles de compétence en matière de brevets. Le litige initial concerne une demande en contrefaçon introduite devant la juridiction de l’État membre où le défendeur possède son domicile habituel. Le défendeur conteste toutefois la validité du titre de propriété industrielle invoqué à l’appui de l’action principale par voie d’exception de nullité. La juridiction saisie s’interroge sur le maintien de sa compétence face à la règle de compétence exclusive prévue par le règlement européen. La question de droit porte sur l’application de la compétence exclusive pour la validité des brevets lors d’un litige relatif à la contrefaçon. La Cour décide que le juge du domicile reste compétent pour l’action en contrefaçon même si la validité du titre est incidemment remise en cause. Cette interprétation garantit la cohérence du système judiciaire européen tout en distinguant les effets de la décision selon l’origine géographique du brevet contesté.

I. La consécration de la compétence du juge saisi de l’action en contrefaçon

A. Le maintien de la compétence générale malgré l’exception de nullité

L’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012 établit le principe de la compétence des juridictions de l’État membre du domicile du défendeur. La Cour affirme qu’une telle juridiction « reste compétente pour connaître de cette action » lorsque le défendeur conteste la validité du brevet par voie d’exception. Cette solution évite qu’une simple défense ne dessaisisse systématiquement le juge initialement saisi pour statuer sur la violation alléguée des droits de propriété. Le juge de la contrefaçon conserve ainsi sa pleine autorité pour examiner les arguments opposés par les parties dans le cadre du procès civil. La fluidité des procédures judiciaires au sein du marché unique se trouve renforcée par ce refus d’une interprétation trop extensive des compétences exclusives.

B. La portée restreinte de l’examen incident de la validité du brevet

La compétence exclusive prévue à l’article 24, point 4, s’impose normalement pour toute décision portant sur l’inscription ou la validité d’un brevet national. Toutefois, l’examen de la validité réalisé par le juge de la contrefaçon possède un caractère strictement incident et ne produit aucun effet erga omnes. La solution retenue respecte la souveraineté de l’État de délivrance puisque la décision de la juridiction n’entraîne pas l’annulation du titre dans le registre national. L’équilibre entre la protection des titulaires et les droits de la défense est assuré par cette limitation des conséquences juridiques du jugement rendu. Les magistrats peuvent donc statuer sans empiéter sur les prérogatives réservées aux tribunaux spécialisés de l’État membre ayant accordé la protection du brevet.

II. L’absence d’extension de la compétence exclusive aux États tiers

A. Le refus d’application spatiale de l’article 24 aux brevets étrangers

Le règlement européen définit les compétences des juridictions des États membres mais il ne saurait régir le fonctionnement des systèmes judiciaires des pays tiers. La Cour précise ainsi que l’article 24, point 4, « ne s’applique pas à une juridiction d’un État tiers » concernant la validité d’un titre. Cette disposition ne confère aucune compétence exclusive à une instance située hors de l’Union européenne pour l’appréciation des titres de propriété industrielle étrangers. Le juge d’un État membre peut donc valablement connaître de la validité d’un brevet délivré par un État tiers lorsqu’il est saisi d’une contrefaçon. La hiérarchie des normes et le champ d’application territorial du droit de l’Union justifient cette exclusion logique des règles de compétence exclusive.

B. La reconnaissance d’une compétence pleine pour statuer sur l’exception de nullité

Lorsqu’un brevet étranger est en cause, le juge de l’Union demeure compétent pour statuer sur l’exception de nullité soulevée lors de l’action principale. Sa décision n’est pas « de nature à affecter l’existence ou le contenu dudit brevet » dans l’ordre juridique de l’État tiers émetteur du titre. Le juge se borne à vérifier si les conditions de protection sont remplies pour décider de l’issue du litige relatif à la seule contrefaçon. Cette approche pragmatique permet de traiter les contentieux transfrontaliers sans exiger une suspension systématique des procédures en l’attente d’une décision étrangère incertaine. L’intégrité des registres nationaux des États tiers demeure préservée alors que l’efficacité de la protection judiciaire européenne est pleinement garantie par cette jurisprudence.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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