Cour de justice de l’Union européenne, le 25 janvier 2011, n°C-382/08

Par un arrêt en date du 25 janvier 2011, la Cour de justice de l’Union européenne, réunie en grande chambre, a précisé le régime juridique applicable à la prestation de services de transport aérien commercial en ballon à air chaud au regard du principe de non-discrimination. En l’espèce, un opérateur titulaire d’une licence délivrée en Allemagne pour l’organisation de vols commerciaux en ballon s’est vu infliger une amende administrative pour avoir effectué un tel vol en Autriche sans disposer des autorisations requises par la législation de cet État. La réglementation autrichienne subordonnait en effet la délivrance d’une licence de transport à une condition de résidence en Autriche pour les personnes physiques ou de siège social pour les personnes morales, ainsi qu’à l’obtention d’une licence d’exploitation nationale.

L’opérateur a contesté cette sanction devant une juridiction administrative autrichienne, laquelle a saisi la Cour de justice à titre préjudiciel de plusieurs questions portant sur la compatibilité de ces exigences nationales avec les règles du traité relatives à la libre prestation de services. Il s’agissait pour la juridiction de renvoi de déterminer si le droit de l’Union s’opposait à une réglementation nationale imposant à un prestataire de services établi dans un autre État membre une condition de résidence ou de siège social, ainsi que l’obtention d’une nouvelle licence pour une activité déjà autorisée dans son État d’origine. La Cour a jugé que le principe général de non-discrimination, consacré à l’article 12 du traité CE, s’oppose à de telles exigences nationales lorsqu’elles sont appliquées de manière restrictive. La solution retenue par la Cour repose sur une qualification précise du champ d’application du droit de l’Union (I), laquelle conditionne l’appréciation du caractère discriminatoire des mesures nationales en cause (II).

I. La détermination du droit de l’Union applicable au transport par ballon

La Cour a d’abord dû identifier la règle de droit de l’Union pertinente pour évaluer la législation autrichienne. Son raisonnement l’a conduite à écarter les dispositions spécifiques sur la libre prestation de services au profit d’un principe général du traité.

A. L’exclusion des règles spécifiques à la libre prestation de services de transport

Le transport aérien commercial de passagers en ballon à air chaud constitue une prestation de services. Toutefois, la Cour rappelle que ce secteur est soumis à un régime particulier. En vertu de l’article 51, paragraphe 1, du traité CE, la libre prestation de services en matière de transports est régie par les dispositions du titre relatif aux transports. Or, l’article 80, paragraphe 2, du traité CE soustrait les transports aériens aux règles communes tant que le législateur de l’Union n’en a pas décidé autrement. La Cour en déduit que, pour la libre prestation de services, « l’article 49 CE ne s’applique pas tel quel au domaine de la navigation aérienne ». Cette exclusion conduit à rechercher un autre fondement juridique pour apprécier la mesure nationale, en dehors du cadre spécifique de la libre prestation de services.

B. La soumission à un principe général du traité

Malgré leur exclusion du titre V relatif à la politique commune des transports, les transports aériens « demeurent, au même titre que les autres modes de transports, soumis aux règles générales du traité ». La Cour constate que le législateur de l’Union a adopté des mesures dans le domaine de la navigation aérienne, mais que le règlement n° 2407/92 concernant les licences des transporteurs aériens exclut explicitement de son champ d’application les aéronefs non entraînés par un organe moteur, comme les ballons à air chaud. Cependant, la Cour estime que cette exclusion réglementaire n’a pas pour effet de soustraire ce type de transport à l’emprise du traité dans son ensemble. L’objectif d’établissement du marché intérieur couvre également cette activité. Il en résulte qu’« un transport aérien commercial de passagers en ballon à air chaud […] relève du champ d’application du traité CE et qu’il est donc soumis à une règle générale de ce dernier telle que l’article 12 CE », qui pose le principe de non-discrimination en raison de la nationalité.

Une fois le fondement juridique établi sur le principe de non-discrimination, l’analyse de la Cour s’est concentrée sur la compatibilité de la législation nationale avec ce principe fondamental.

II. La sanction d’une discrimination indirecte fondée sur la nationalité

La Cour examine successivement les deux exigences de la loi autrichienne, la condition de résidence et l’obligation d’une nouvelle licence, pour conclure à leur caractère discriminatoire et disproportionné.

A. L’identification d’une discrimination dissimulée

La Cour applique sa jurisprudence constante selon laquelle sont prohibées non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, mais aussi « toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat ». La condition de résidence pour les personnes physiques et de siège social pour les sociétés constitue une telle discrimination indirecte. En effet, le critère de la résidence « risque de jouer principalement au détriment des ressortissants d’autres États membres, dans la mesure où les non-résidents sont le plus souvent des non-nationaux ». De même, l’obligation d’obtenir une nouvelle licence, sans tenir compte de celle déjà délivrée dans un autre État membre, affecte en pratique principalement les opérateurs étrangers et constitue donc une restriction déguisée.

B. Le rejet d’une justification fondée sur la sécurité au nom de la proportionnalité

Le gouvernement autrichien tentait de justifier ces mesures par des objectifs légitimes, à savoir « l’intérêt de la protection de la vie et de la santé des personnes transportées et […] l’intérêt de la sécurité de la navigation aérienne ». La Cour reconnaît la légitimité de ces objectifs. Cependant, elle contrôle la proportionnalité des mesures prises pour les atteindre. Or, elle juge disproportionné le fait d’obliger un opérateur à obtenir une nouvelle licence « sans qu’il soit dûment tenu compte du fait que les conditions de délivrance sont, en substance, les mêmes que celles de la licence qui lui a déjà été délivrée dans un autre État membre ». Dès lors que les exigences sont similaires, « il convient de considérer que les intérêts auxquels se réfère le gouvernement autrichien ont déjà été pris en compte à l’occasion de la délivrance de la première licence » dans l’État d’origine. La mesure est donc redondante et excessive au regard des buts poursuivis.

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Hassan KOHEN
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