Cour de justice de l’Union européenne, le 25 janvier 2024, n°C-54/23

La troisième chambre de la Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 25 janvier 2024, précise les conditions d’indemnisation des passagers.

Un voyageur dispose d’une réservation confirmée pour un vol reliant l’Allemagne à l’Espagne dont le départ est annoncé avec un retard de six heures.

Le passager décide alors de réserver par lui-même un trajet de remplacement afin d’honorer un rendez-vous professionnel prévu à sa destination finale.

Grâce à cette initiative personnelle, l’intéressé atteint sa destination avec un retard de moins de trois heures par rapport à l’horaire initialement prévu.

Le passager sollicite l’indemnisation forfaitaire de deux cent cinquante euros prévue par le règlement communautaire devant les juridictions nationales compétentes en la matière.

Le Bundesgerichtshof sursoit à statuer pour interroger la juridiction européenne sur le droit à indemnisation dans cette configuration de réacheminement autonome.

Le litige porte sur la possibilité de percevoir une compensation financière lorsqu’un passager évite un retard important par ses propres moyens de transport.

La Cour juge qu’un passager arrivé avec moins de trois heures de retard ne peut prétendre à l’indemnité forfaitaire du règlement relatif aux transports.

I. L’exigence impérative d’une perte de temps effective de trois heures

A. La consécration du retard à l’arrivée comme critère exclusif

Les juges rappellent que le droit à indemnisation suppose une perte de temps égale ou supérieure à trois heures lors de l’arrivée à destination.

La jurisprudence constante assimile les passagers de vols retardés à ceux de vols annulés uniquement lorsque le seuil de trois heures est effectivement atteint.

« L’indemnisation forfaitaire à laquelle a droit un passager […] n’est pas subordonnée au respect des conditions énoncées audit article 6 » relatif au départ.

Le dommage indemnisable se matérialise exclusivement par la perte de temps irréversible constatée au moment où l’appareil atteint sa destination finale de transport.

Le passager ayant atteint son lieu d’arrivée avec un retard inférieur au seuil réglementaire ne subit pas le préjudice nécessaire à l’octroi d’indemnités.

B. L’indifférence du retard prévisible ou annoncé au départ

L’existence d’indices suffisants laissant présager un retard important ne suffit pas à déclencher le mécanisme de compensation financière automatique prévu par le texte.

La Cour rejette l’idée qu’un risque de retard, même solidement établi avant l’enregistrement, puisse ouvrir un droit à la réparation forfaitaire sans préjudice réel.

Le règlement ne vise pas à sanctionner le comportement du transporteur mais à compenser une perte de temps subie par les passagers concernés.

« Le droit à indemnisation prévu à l’article 7, paragraphe 1 […] est intrinsèquement lié à l’existence de cette perte de temps égale ou supérieure ».

Le calcul du retard s’effectue de manière objective entre l’heure d’arrivée initialement prévue et l’heure d’arrivée réelle de l’intéressé à sa destination.

II. Une interprétation stricte de la notion de désagrément sérieux

A. L’exclusion des désagréments liés à l’initiative du passager

L’acte de réserver soi-même un vol de remplacement peut constituer un inconvénient notable mais il ne relève pas de la catégorie des désagréments sérieux.

Le législateur européen entend remédier aux difficultés majeures résultant de l’impossibilité de voyager selon les modalités initialement convenues entre le transporteur et l’usager.

« Si la circonstance qu’un passager aérien a trouvé lui-même un vol de remplacement peut engendrer un désagrément », celui-ci demeure insuffisant pour l’indemnisation.

La solution retenue par les juges prévient une extension excessive du droit à réparation pour des situations où le temps perdu demeure finalement modéré.

Le passager conserve toutefois le droit d’obtenir le remboursement des frais engagés pour son nouveau transport sur le fondement du droit civil national applicable.

B. La préservation de l’équilibre entre protection et contraintes économiques

L’interprétation restrictive de la Cour assure une proportionnalité entre les obligations pesant sur les compagnies aériennes et les droits reconnus aux passagers.

L’octroi d’une indemnité forfaitaire en l’absence de perte de temps effective créerait une charge financière injustifiée pour les opérateurs de transport aérien effectif.

Les juges maintiennent la cohérence du système de protection en limitant la réparation automatique aux seules situations de désagrément temporel objectivement constatées.

Cette position évite de transformer le règlement en un outil de sanction punitive déconnecté de la réalité du préjudice subi par le client final.

La décision confirme ainsi que la ponctualité finale demeure la seule mesure pertinente pour apprécier le respect des droits garantis par la législation européenne.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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