La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 2 mai 2018, une décision fondamentale concernant le classement tarifaire des véhicules automobiles au sein de la nomenclature combinée. Une société sollicite le 20 août 2013 le classement de corbillards équipés de moteurs diesel comme véhicules de transport de marchandises. L’administration douanière rejette cette demande le 2 décembre 2013 et retient la qualification de voitures de tourisme conçues principalement pour le transport de personnes. La commission fiscale provinciale de Rome fait droit au recours de l’opérateur économique par un jugement rendu le 19 mai 2016. L’administration interjette appel de cette décision le 13 janvier 2017 devant la commission fiscale régionale du Latium qui décide de surseoir à statuer. Le juge européen doit déterminer si ces véhicules relèvent des voitures de tourisme, des véhicules pour marchandises ou des engins à usages spéciaux. La Cour affirme que les corbillards relèvent de la position 8703 car « un corps humain, même sans vie, ne saurait être assimilé à une marchandise ». L’analyse de cette solution impose d’étudier la primauté de la destination intrinsèque du véhicule avant d’apprécier l’autorité des notes explicatives sur la portée du classement.
I. La primauté de la destination intrinsèque du véhicule A. L’identification du transport de personnes comme fonction essentielle La destination principale du véhicule demeure le critère décisif pour son classement tarifaire conformément au libellé de la position 8703 de la nomenclature combinée. Cette affectation doit être inhérente au produit et s’apprécier selon ses propriétés objectives, déterminées par son aspect général et ses caractéristiques essentielles de conception. Le juge souligne que le corbillard est construit pour transporter des cercueils contenant des cadavres, dont la nature exclut toute qualification commerciale ou marchande. Il énonce qu’« un corps humain, même sans vie, ne saurait être assimilé à une marchandise susceptible de faire l’objet, en tant que tel, d’opérations commerciales ». Le transport de personnes constitue la finalité inhérente du véhicule, justifiant son inclusion parmi les voitures de tourisme malgré ses spécificités techniques.
B. L’écartement motivé des critères structurels ambivalents L’existence d’une paroi de séparation fixe entre l’habitacle et la partie arrière ne suffit pas à modifier la nature fondamentale de l’engin automobile considéré. Cette caractéristique structurelle, habituelle pour les véhicules de transport de marchandises, répond ici à des impératifs sanitaires et d’hygiène sans altérer la destination principale. Le classement au titre des véhicules à usages spéciaux de la position 8705 est écarté car la fonction n’est pas distincte du transport proprement dit. Les corbillards ne possèdent pas non plus les attributs typiques des camions, tels qu’une plateforme ouverte munie de ridelles latérales ou l’absence de fenêtres. Cette prééminence fonctionnelle trouve un appui décisif dans l’organisation systématique de la nomenclature tarifaire et le rôle assigné aux autorités de régulation internationales.
II. L’autorité des notes explicatives et la portée du classement A. La consolidation de l’interprétation systématique du Système Harmonisé Les notes explicatives du Système Harmonisé contribuent de façon importante à l’interprétation de la portée des différentes positions tarifaires sans posséder de force obligatoire. La nomenclature mentionne explicitement les corbillards au sein de la liste des véhicules de transport spécialisés relevant de la catégorie des voitures de tourisme. Cette énumération directe prévaut sur la description générale des caractéristiques de conception qui permettent seulement d’identifier les véhicules dont le classement initial paraîtrait équivoque. La Cour précise que les exemples listés dans les notes, comme les voitures cellulaires, font partie intégrante de la position de principe. L’absence de certaines caractéristiques de confort pour les passagers arrière ne saurait remettre en cause une mention aussi explicite et non équivoque.
B. Une solution pérenne pour les véhicules de transport spécialisé La décision confirme une lecture cohérente des catégories de véhicules spécialisés en harmonisant le traitement des engins destinés au transport de sujets humains protégés. L’assimilation des corbillards aux voitures de tourisme stabilise la situation juridique des constructeurs et des importateurs face aux interprétations parfois divergentes des autorités nationales. Cette solution renforce la protection de la dignité humaine dans le champ technique du droit douanier en refusant la réification du corps après le décès. La portée de l’arrêt s’étend naturellement aux autres véhicules spécialisés mentionnés par les notes explicatives dont la structure intérieure pourrait présenter des similitudes trompeuses. Le juge européen réaffirme sa volonté de maintenir une classification prévisible et facilitant les contrôles dans l’intérêt de la sécurité juridique communautaire.
