La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 25 juillet 2018, une décision majeure concernant les droits sociaux d’un ressortissant handicapé. Le requérant résidait dans sa commune d’origine tout en effectuant des études supérieures de droit dans un État membre limitrophe de son pays. Il sollicitait l’octroi d’une aide à la personne pour effectuer les tâches ménagères et les courses durant ses jours de présence à l’étranger. La commune a opposé un refus au motif que le séjour hors du territoire national ne présentait pas un caractère purement occasionnel. La juridiction administrative de premier ressort a confirmé ce rejet par un jugement du 27 juin 2014 avant l’introduction d’un pourvoi. La juridiction administrative suprême a alors décidé d’interroger le juge de l’Union sur la conformité de ce refus au droit communautaire. Le litige repose sur la qualification juridique de la prestation et sur l’éventuelle atteinte aux libertés fondamentales de circulation du citoyen. La Cour juge que l’aide n’est pas une prestation de maladie mais que son refus constitue une entrave à la liberté de séjour. L’analyse de cet arrêt commande d’envisager l’exclusion du régime de coordination de la sécurité sociale puis la protection de la liberté de circulation.
**I. L’exclusion de la prestation du régime de coordination de la sécurité sociale**
La Cour examine en premier lieu si l’aide à la personne peut être qualifiée de prestation de maladie au sens du règlement européen.
**A. La réunion de critères légaux d’attribution objectifs**
Pour relever du champ d’application de la sécurité sociale, une prestation doit être octroyée en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire. La juridiction nationale relevait que la loi conférait aux bénéficiaires désignés un « droit subjectif » à l’octroi de l’aide sur des critères légaux. La commune de résidence conservait certes une marge d’appréciation concernant les modalités de fourniture de l’aide ou son volume global de mise en œuvre. Toutefois, cette compétence administrative ne portait pas sur l’ouverture même du droit à la prestation pour le demandeur gravement handicapé. La Cour considère donc que la condition relative à l’absence de discrétionnalité de l’autorité publique est parfaitement remplie dans cette espèce. L’octroi de l’aide repose sur une situation légalement définie par le législateur national sans considération des revenus du bénéficiaire.
**B. Une finalité d’autonomie sociale distincte du risque de santé**
L’assimilation d’une aide au risque de maladie suppose qu’elle vise principalement à améliorer l’état de santé et la vie des personnes dépendantes. Or, la loi nationale énonce que l’objectif est de permettre aux personnes handicapées de « vivre et d’être actives avec les autres ». La Cour souligne que l’aide est destinée à permettre au bénéficiaire de « réaliser leurs propres choix » dans l’exercice des activités quotidiennes. Les besoins portant sur des soins, un traitement médical ou une surveillance constante sont d’ailleurs expressément exclus du champ d’application de cette loi. La prestation n’a donc pas pour but de couvrir un risque de santé au sens strict du règlement sur la coordination. Faute de se rapporter à l’un des risques énumérés par le texte européen, l’aide à la personne échappe au mécanisme de coordination. Cette exclusion du régime de coordination n’empêche toutefois pas le juge de vérifier la compatibilité de la mesure avec les libertés fondamentales.
**II. La protection renforcée du droit à la mobilité du citoyen handicapé**
Le refus d’octroi de la prestation par la commune de résidence doit être confronté aux dispositions du traité relatives à la libre circulation.
**A. L’identification d’une entrave à la liberté de circuler et de séjourner**
Le statut de citoyen de l’Union permet d’obtenir le même traitement juridique indépendamment de l’exercice du droit de circuler entre les États membres. Une réglementation nationale qui désavantage un ressortissant du seul fait qu’il a exercé sa liberté de circulation constitue une restriction interdite par le traité. En l’espèce, le refus était fondé sur le seul motif que les études supérieures se poursuivaient dans un État membre autre que l’État d’origine. La Cour qualifie cette pratique de « restriction à la liberté de circuler et de séjourner » reconnue à tout citoyen de l’Union par les traités. Un tel obstacle est particulièrement grave dans le domaine de l’éducation où le droit de l’Union cherche à favoriser la mobilité des étudiants. Le requérant subissait ainsi une discrimination indirecte liée à son choix de suivre un cursus universitaire au-delà des frontières de son pays.
**B. L’absence de justifications impérieuses et proportionnées**
Une restriction à la liberté de circulation ne peut être admise que si elle est fondée sur des considérations objectives d’intérêt général. La commune invoquait la nécessité de surveiller l’organisation de l’aide et de garantir l’équilibre financier du système national de protection sociale. La Cour écarte ces arguments en soulignant que le requérant conservait son domicile dans sa commune d’origine où il retournait chaque fin de semaine. L’autorité publique ne rencontrait aucune difficulté particulière de contrôle puisque la situation était comparable à une mobilité interne vers une autre commune nationale. Le juge affirme en effet que « aucun des objectifs mis en avant » ne permet de justifier la restriction imposée à la liberté de séjour. La décision assure ainsi l’effectivité des droits sociaux des personnes handicapées en garantissant leur autonomie au-delà des strictes limites territoriales.