Cour de justice de l’Union européenne, le 25 juillet 2018, n°C-84/17

La Cour de justice de l’Union européenne, siégeant à Luxembourg, rend le 25 juillet 2018 une décision majeure relative au droit des marques. Un opérateur sollicite l’enregistrement d’une forme tridimensionnelle de produit chocolaté à titre de marque communautaire auprès de l’office compétent pour la propriété intellectuelle. Une société concurrente présente une demande en nullité contre cet enregistrement en contestant le caractère distinctif de la forme en cause.

L’office rejette d’abord cette demande au motif que la marque aurait acquis un caractère distinctif par l’usage au sein de l’Union européenne. Le Tribunal de l’Union européenne, siégeant à Luxembourg, annule toutefois cette décision le 15 décembre 2016 pour une insuffisance de preuve territoriale. Les parties forment alors des pourvois devant la Cour de justice pour contester l’étendue géographique de la démonstration du caractère distinctif.

Le litige soulève la question de savoir si l’acquisition du caractère distinctif par l’usage doit être établie pour chaque État membre de l’Union. La Cour doit déterminer si une preuve globale portant sur une partie substantielle du territoire suffit à maintenir la validité de l’enregistrement contesté.

La haute juridiction confirme l’annulation de la décision de l’office en affirmant que l’usage doit être démontré sur l’ensemble du territoire concerné. Le dispositif énonce que « les pourvois sont rejetés », validant ainsi une interprétation stricte de l’exigence de preuve pour les marques unitaires. Cette étude abordera l’exigence d’une preuve d’usage intégrale avant d’envisager la portée de cette solution pour le système des marques.

I. L’exigence d’une preuve d’usage sur l’intégralité du territoire communautaire

A. La confirmation du lien entre caractère unitaire et preuve territoriale

La Cour rappelle que la marque de l’Union européenne possède un caractère unitaire produisant les mêmes effets juridiques dans toute l’organisation. Pour une marque dépourvue de caractère distinctif ab initio, l’acquisition par l’usage doit être démontrée là où elle n’existait pas. Les juges soulignent qu’il n’est pas suffisant de démontrer cet usage dans une partie seulement, même substantielle, du territoire de l’Union.

B. L’insuffisance d’une preuve cantonnée à des marchés nationaux isolés

L’arrêt précise que la preuve doit couvrir l’ensemble des États membres dans lesquels le défaut de caractère distinctif a été initialement constaté. Une analyse globale des éléments fournis ne dispense pas l’autorité compétente de vérifier la perception du public dans chaque zone géographique. La décision impose une rigueur probatoire excluant toute extrapolation à partir de données issues de quelques marchés nationaux seulement. La rigueur de cette exigence territoriale conduit à s’interroger sur les conséquences de la solution pour la protection des titres unitaires.

II. La portée de la solution au regard du droit des marques

A. La protection de l’intégrité du système de la marque de l’Union

En validant l’annulation de la décision de l’office, la Cour préserve la cohérence du régime juridique propre aux titres de propriété industrielle. L’exigence de preuve exhaustive évite qu’une marque ne bénéficie d’une protection uniforme sans être perçue comme telle par tous les consommateurs. Cette approche garantit que la fonction de garantie d’origine est assurée sur l’intégralité du territoire de l’Union européenne.

B. Les implications pratiques pour les titulaires de droits

La solution retenue par la Cour de justice alourdit la charge probatoire pesant sur les titulaires de marques tridimensionnelles peu distinctives. Bien qu’il ne soit pas exigé de produire des preuves distinctes pour chaque État, les éléments fournis doivent permettre une conclusion territoriale. Cette jurisprudence limite les risques d’appropriation de formes communes par des acteurs disposant d’une notoriété seulement partielle ou localisée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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