Un État membre, n’ayant pas correctement transposé les dispositions du droit de l’Union relatives à la désignation du fournisseur du service universel dans le secteur des communications électroniques, a fait l’objet d’un premier arrêt en manquement de la Cour de justice de l’Union européenne. La Commission européenne, estimant que cet État n’avait pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à cette décision, a engagé une procédure précontentieuse puis a saisi la Cour d’un recours en manquement sur manquement, sur le fondement de l’article 260 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne. La Commission demandait la condamnation de l’État membre au paiement d’une somme forfaitaire ainsi que d’une astreinte journalière. L’enjeu principal de l’affaire résidait dans l’appréciation par la Cour de la persistance du manquement et, le cas échéant, dans la détermination des sanctions pécuniaires appropriées pour y mettre un terme. La question de droit qui se posait était de savoir si les mesures partielles et tardives adoptées par l’État membre suffisaient à considérer qu’il avait exécuté le premier arrêt de la Cour. La Cour de justice a répondu par la négative, jugeant que l’État membre avait manqué à ses obligations en n’ayant pas pris, à la date d’expiration du délai imparti, l’ensemble des mesures que comportait l’exécution de l’arrêt initial. En conséquence, elle a prononcé une condamnation pécuniaire double, tout en modulant les montants au regard des circonstances spécifiques de l’espèce. La solution retenue par la Cour illustre avec clarté la rigueur avec laquelle elle constate la persistance d’un manquement (I), tout en faisant preuve d’un pouvoir d’appréciation mesuré dans l’application des sanctions financières qui en découlent (II).
I. La confirmation de la persistance du manquement en dépit d’une exécution partielle
L’appréciation de la Cour se fonde sur une analyse stricte des obligations pesant sur l’État membre à l’expiration du délai fixé dans la mise en demeure. Elle constate que le manquement perdure tant en raison du maintien d’un cadre juridique non conforme (A) que de l’absence de résultat effectif à cette date (B).
A. Le maintien d’un cadre juridique national non conforme
La Cour relève que la législation nationale, bien qu’ayant été modifiée, n’assurait toujours pas la pleine effectivité de la directive. Le droit interne continuait de faire référence à un contrat de concession attribuant le service universel à une entreprise spécifique, perpétuant ainsi une situation jugée contraire au droit de l’Union dans l’arrêt initial. Pour la Cour, « une telle situation ne garantit pas l’application pleine et effective de la directive “service universel” ». Le fait que l’État membre ait engagé des démarches pour abroger la disposition litigieuse ne suffit pas à écarter le manquement, dès lors que cette abrogation n’était pas effective à la date de référence. La persistance d’une disposition nationale, même si son application future est incertaine ou en cours de modification, crée une situation d’insécurité juridique incompatible avec les exigences du droit de l’Union. La Cour rappelle ainsi que l’obligation de transposition correcte et complète exige non seulement l’adoption de mesures formelles mais aussi l’établissement d’un cadre normatif suffisamment clair et précis pour garantir la réalisation des objectifs de la directive.
B. L’absence de résultat effectif à l’échéance du délai
Au-delà de l’aspect normatif, la Cour examine les conséquences pratiques de l’inaction de l’État. Elle constate que ce dernier « ne conteste pas que, à la date d’expiration du délai fixé dans ladite lettre de mise en demeure, il n’avait pas désigné les entreprises chargées de fournir le service universel au moyen d’une procédure conforme » à la directive. L’obligation qui découle d’un arrêt en manquement est une obligation de résultat, qui impose à l’État membre de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à l’infraction. Le simple lancement de procédures d’appel d’offres, intervenu postérieurement au délai imparti, ne saurait être considéré comme une exécution complète de l’arrêt initial. La Cour se montre inflexible sur ce point, considérant que le contrat de concession illégal était toujours en vigueur, empêchant de fait toute mise en concurrence et privant les dispositions de la directive de leur effet utile. Le manquement est donc caractérisé par l’absence d’un changement concret et définitif dans la situation juridique et factuelle qui avait été condamnée par le premier arrêt.
La constatation de ce manquement continu ouvre la voie à l’application de sanctions pécuniaires, dont la Cour va fixer la nature et le montant en exerçant son pouvoir d’appréciation.
II. L’exercice mesuré du pouvoir de sanction pécuniaire
Face au manquement avéré, la Cour inflige à l’État membre une double sanction financière, combinant une somme forfaitaire pour sanctionner la durée de l’infraction (A) et une astreinte pour contraindre à une exécution future et rapide (B).
A. La condamnation à une somme forfaitaire en rétribution du passé
La Cour justifie l’imposition d’une somme forfaitaire par la nécessité de prendre en compte les conséquences du défaut d’exécution sur les intérêts privés et publics. Elle souligne que la persistance du manquement a eu des effets négatifs concrets, car « les entreprises éventuellement intéressées à fournir le service universel ont été empêchées de participer au marché relatif audit service » et, de surcroît, « les utilisateurs finals n’ont pas pu bénéficier d’une concurrence et d’un choix effectifs ». Le montant de cette somme est fixé en tenant compte de la durée de l’infraction, de sa gravité et de la capacité de paiement de l’État concerné. En l’espèce, la Cour fixe la somme à 3 millions d’euros, un montant inférieur à celui proposé par la Commission. Cette modulation s’explique par la prise en compte de certains efforts de l’État, comme le lancement tardif des appels d’offres, ainsi que par la reconnaissance d’une « certaine régression » de sa capacité de paiement dans un contexte de crise économique. La somme forfaitaire a donc une fonction à la fois punitive, en ce qu’elle sanctionne la persistance du manquement depuis le premier arrêt, et préventive.
B. Le prononcé d’une astreinte comme incitation pour l’avenir
L’astreinte, quant à elle, a une finalité coercitive. Elle vise à inciter l’État membre à se conformer à ses obligations dans les plus brefs délais. La Cour en prononce le principe au motif que, au jour où elle statue, « toutes les mesures nécessaires à l’exécution de l’arrêt […] n’avaient pas encore été adoptées ». Le contrat de concession n’était pas formellement résilié et les nouvelles désignations n’étaient pas encore effectives. Cependant, la Cour fixe le montant de l’astreinte à 10 000 euros par jour, un chiffre bien inférieur aux propositions de la Commission. Pour justifier cette réduction significative, elle estime qu’une sanction plus élevée « ne tiendrait pas dûment compte du fait que la République portugaise a mis en œuvre les mesures nécessaires afin d’exécuter une partie importante de ses obligations ». Cette approche pragmatique montre que l’astreinte n’est pas une punition aveugle, mais un instrument calibré pour atteindre l’objectif de mise en conformité. Elle est conçue pour exercer une pression suffisante tout en reconnaissant les progrès accomplis, illustrant la volonté de la Cour de susciter une exécution complète plutôt que de simplement pénaliser l’État défaillant.