Cour de justice de l’Union européenne, le 25 mai 2023, n°C-368/22

Dans un arrêt rendu sur question préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé les critères de classement tarifaire pour des accessoires de tuyauterie en acier inoxydable. En l’espèce, une société importatrice avait déclaré des raccords de tuyauterie sous la sous-position 7307 22 10 de la nomenclature combinée, en tant que « manchons », bénéficiant d’une exemption de droits de douane. Les autorités fiscales nationales, après expertise, ont reclassé ces produits sous la sous-position 7307 29 10, correspondant aux « autres » accessoires filetés et soumise à un droit de douane, au motif que les produits ne correspondaient pas à la définition d’un manchon, notamment en raison de leur filetage extérieur. Saisie du litige, l’autorité administrative compétente a annulé cette décision, retenant la classification initiale de l’importateur. Le ministère des Impôts a alors formé un recours contre cette annulation devant la cour d’appel de la région Ouest du Danemark, qui a décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour de justice. La question posée visait à déterminer si la sous-position 7307 22 10 de la nomenclature combinée devait être interprétée comme pouvant inclure des accessoires de tuyauterie en acier inoxydable présentant un filetage extérieur. La Cour a répondu par la négative, estimant que de tels produits ne peuvent être considérés comme des « manchons » au sens de ladite sous-position.

L’analyse de la Cour repose sur une méthode d’interprétation rigoureuse de la nomenclature combinée, d’abord en clarifiant le sens de la notion litigieuse (I), pour ensuite en tirer les conséquences sur la portée de la classification et la sécurité juridique (II).

I. L’interprétation restrictive de la notion de « manchon »

Pour définir les contours de la sous-position tarifaire, la Cour a combiné une approche littérale, fondée sur le langage courant, avec une analyse systémique de la nomenclature douanière.

A. La détermination du sens par le langage courant

La Cour rappelle son principe constant selon lequel « le critère décisif pour le classement tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et leurs propriétés objectives ». En l’absence de définition de la notion de « manchons » dans la nomenclature combinée ou les notes explicatives, il convient de se référer à son sens habituel. La Cour constate que dans plusieurs langues, ce terme désigne un tube court destiné à entourer les extrémités de deux tuyaux, ce qui implique un filetage intérieur s’il n’est pas lisse.

Cette approche linguistique permet d’établir une distinction fondamentale avec un autre type d’accessoire. En effet, la Cour relève que le « manchon » est présenté comme le pendant du « mamelon », ce dernier étant systématiquement décrit comme un accessoire à filetage extérieur. Il en résulte qu’un produit présentant un filetage extérieur ne saurait correspondre à la définition usuelle d’un manchon. Par cette démarche, la Cour confère une portée juridique déterminante aux définitions techniques communément admises dans le secteur concerné.

B. La confirmation du sens par le contexte réglementaire

L’analyse de la Cour ne se limite pas à une définition terminologique, mais s’inscrit dans le cadre plus large de la structure de la nomenclature. Premièrement, elle observe que de nombreux termes employés, tels que « coudes » ou « courbes », sont inspirés de formes concrètes, suggérant que le mot « manchon » renvoie également à une forme spécifique, celle d’une manche enveloppante.

Deuxièmement, la Cour s’appuie sur les notes explicatives du Système harmonisé qui distinguent explicitement « les manchons et les mamelons », confirmant qu’il s’agit de deux produits différents. La seule interprétation permettant de maintenir cette distinction est celle qui réserve au manchon la caractéristique d’un filetage intérieur. Enfin, la Cour souligne l’existence d’une sous-position résiduelle pour les « autres » accessoires. Cette catégorie a vocation à accueillir les produits qui, comme certains en l’espèce, combinent les caractéristiques de plusieurs types d’accessoires et ne correspondent pas exclusivement à la définition d’un manchon.

II. La consolidation de la sécurité juridique en matière de classement tarifaire

La solution retenue par la Cour réaffirme la primauté des critères objectifs d’interprétation et contribue à l’application uniforme du tarif douanier commun.

A. La primauté des caractéristiques objectives sur les autres considérations

La décision illustre parfaitement la hiérarchie des critères de classement. La Cour écarte implicitement, mais nécessairement, la désignation commerciale des produits, telle qu’elle figure dans le catalogue du fabricant, comme critère de classement. Des produits décrits comme « raccord-union droit » ou « raccord réducteur droit » ne sauraient être classés comme des manchons si leurs propriétés physiques ne correspondent pas à cette catégorie. Le fait que les notes explicatives mentionnent les raccords-union comme des produits distincts des manchons renforce cette conclusion.

De même, la Cour minimise la portée des renseignements tarifaires contraignants (RTC) invoqués par l’opérateur économique. Elle note qu’un RTC irlandais favorable à la thèse de l’importateur a été révoqué et que d’autres RTC semblent confirmer l’interprétation restrictive. Cela rappelle qu’un RTC n’a d’autorité que pour son titulaire et pour les marchandises qu’il vise, et ne peut prévaloir sur une interprétation correcte et uniforme du droit de l’Union.

B. La contribution à une application uniforme du tarif douanier

En fournissant une interprétation claire et restrictive de la notion de « manchons », la Cour prévient les divergences de classement entre les États membres. Une application non uniforme du tarif douanier commun pourrait entraîner des distorsions de concurrence et une inégalité de traitement entre les opérateurs économiques. La décision garantit donc que des produits identiques soient soumis au même régime tarifaire, quel que soit leur point d’entrée dans l’Union.

La portée de l’arrêt, bien que portant sur un point technique précis, réside ainsi dans sa réaffirmation méthodologique. En imposant une lecture stricte fondée sur les caractéristiques objectives et le sens commun des termes techniques, la Cour renforce la prévisibilité du classement tarifaire. Elle assure ainsi aux opérateurs une plus grande sécurité juridique dans leurs opérations d’importation, objectif fondamental du droit douanier de l’Union.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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