La Cour de justice de l’Union européenne, dans sa décision du 25 février 2021, précise le régime de responsabilité des États membres pour violation du droit de l’Union. Le litige opposait un déposant à une banque centrale nationale suite à l’indisponibilité prolongée de fonds placés auprès d’un établissement de crédit en difficulté financière. Cet établissement avait fait l’objet de mesures de surveillance spéciale ayant entraîné une suspension totale des paiements pendant plusieurs mois avant le retrait définitif de son agrément bancaire. Le déposant sollicitait l’indemnisation des intérêts légaux pour le retard de remboursement et la réparation du préjudice pour les sommes dépassant le plafond de garantie légal. La juridiction de renvoi interrogeait ainsi la Cour sur l’étendue du droit à indemnisation prévu par la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts. La question centrale porte sur la compatibilité des conditions nationales d’engagement de la responsabilité de l’État avec les exigences de protection efficace des particuliers. La réponse repose sur une distinction entre les garanties automatiques de remboursement et les mécanismes généraux de réparation des préjudices subis.
I. La délimitation stricte du droit à l’indemnisation des déposants
A. Le cantonnement de la garantie au montant légal forfaitaire
La Cour affirme que le droit à indemnisation issu de la directive couvre exclusivement la restitution des sommes indisponibles à hauteur du montant maximal harmonisé. Ce mécanisme de garantie vise à assurer la stabilité du système bancaire tout en protégeant les épargnants contre les conséquences immédiates de la défaillance d’un établissement. La juridiction européenne souligne que ce droit ne saurait « fonder, au bénéfice dudit déposant, un droit à réparation du préjudice causé par la restitution tardive du montant garanti ». La responsabilité pour surveillance défaillante des autorités nationales ne peut donc résulter directement du seul texte de la directive organisant la garantie des dépôts. Cette interprétation repose sur la séparation nette entre le remboursement automatique par le fonds de garantie et les actions classiques en responsabilité extracontractuelle. L’objectif d’harmonisation minimale poursuivi par le législateur européen interdit d’étendre la portée de l’indemnisation forfaitaire aux dommages collatéraux subis par les clients.
B. L’éviction des obstacles procéduraux nationaux au remboursement
Le juge de l’Union censure les réglementations nationales subordonnant le remboursement des dépôts à la révocation préalable de l’agrément de l’établissement de crédit concerné. Une telle exigence retarderait indûment l’accès des déposants à leurs fonds, compromettant ainsi l’effet utile des dispositions protectrices prévues par le droit européen. Les juges déclarent que les règles communes « s’opposent à une réglementation nationale ou à une clause contractuelle » rendant l’exigibilité des créances dépendante d’une décision administrative discrétionnaire. Le principe de primauté impose aux juridictions nationales d’écarter tout texte interne qui ajouterait des conditions non prévues par le texte de référence initial. La protection des épargnants exige un déclenchement automatique de la garantie dès lors que l’autorité compétente constate objectivement l’incapacité de la banque à restituer les fonds. Cette obligation inconditionnelle et précise confère aux déposants un droit direct dont ils peuvent se prévaloir devant les tribunaux nationaux.
II. Le contrôle des conditions d’engagement de la responsabilité étatique
A. La validité nuancée des mesures d’assainissement et des actes de l’Autorité bancaire
La suspension des paiements constitue une mesure d’assainissement légitime si elle respecte les exigences de proportionnalité imposées par la Charte des droits fondamentaux de l’Union. Les autorités nationales disposent d’une marge de manœuvre pour stabiliser la situation financière d’une banque, à condition de ne pas porter une atteinte excessive au droit de propriété. La Cour précise qu’une telle mesure « constitue une ingérence injustifiée et disproportionnée » si des solutions moins contraignantes permettaient d’atteindre les mêmes objectifs de sauvegarde financière. Parallèlement, le juge examine la validité d’une recommandation de l’Autorité bancaire européenne concernant la situation de l’établissement de crédit à l’origine du litige national. La Cour invalide cet acte en ce qu’il assimilait abusivement une mesure de surveillance spéciale à un constat formel d’indisponibilité des dépôts bancaires. Ce contrôle de validité garantit que les recommandations administratives ne dénaturent pas les concepts juridiques définis par les directives européennes.
B. L’encadrement européen de l’autonomie procédurale des États
Le droit de l’Union s’oppose fermement aux conditions nationales de responsabilité qui exigeraient la preuve du caractère intentionnel du dommage causé par l’administration. Le principe d’effectivité impose que la réparation soit accessible dès lors qu’une violation suffisamment caractérisée d’une règle conférant des droits aux particuliers est établie par le requérant. La Cour juge ainsi qu’une réglementation « s’oppose à une réglementation nationale qui subordonne le droit des particuliers d’obtenir réparation… à la condition tirée du caractère intentionnel du dommage ». L’obligation d’annulation préalable de l’acte illégal ne peut pas non plus être opposée au déposant si cette voie de recours lui est concrètement fermée. Le régime de responsabilité de l’État doit rester conforme aux standards européens afin de garantir une protection juridictionnelle réelle contre les manquements administratifs. Les principes d’équivalence et d’effectivité interdisent de rendre pratiquement impossible l’exercice des droits que les justiciables tirent de l’ordre juridique de l’Union.