Cour de justice de l’Union européenne, le 25 novembre 2021, n°C-271/20

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision précisant les modalités d’allocation des quotas d’émission de gaz à effet de serre. Ce litige concerne l’interprétation des règles transitoires harmonisées applicables à un exploitant d’une installation industrielle produisant du cuivre primaire. L’enjeu juridique réside dans la définition technique des sous-installations éligibles et dans la possibilité de délivrer des quotas après l’expiration de la période d’échanges.

Un exploitant a contesté le refus d’une autorité nationale de lui accorder des quotas gratuits pour une fonderie de fusion éclair. Cette unité assure l’oxydation du soufre contenu dans le concentré de cuivre afin de produire la chaleur nécessaire au processus de transformation. La procédure a conduit la juridiction nationale à interroger la Cour sur la qualification de cette installation au regard du référentiel de combustibles. Les prétentions de l’exploitant visent à obtenir une allocation supplémentaire malgré la fin théorique de la période d’échanges fixée au 31 décembre 2020.

Le problème de droit porte sur l’inclusion de l’oxydation du soufre dans la notion de sous-installation avec référentiel de combustibles. Il convient également de déterminer si une décision juridictionnelle peut ordonner la délivrance de quotas après le terme de la période de référence. La Cour juge que l’oxydation du soufre relève de cette catégorie et que la délivrance tardive demeure juridiquement possible. L’analyse portera sur l’élargissement technique de la notion de sous-installation avant d’aborder la garantie temporelle du droit à l’allocation.

I. Une interprétation extensive de la notion de sous-installation thermique

L’arrêt précise les critères de qualification d’une installation de fusion au regard des processus chimiques et thermiques générant des émissions de gaz carbonique.

A. L’assimilation de l’oxydation du soufre à un combustible

La Cour examine si le processus d’oxydation thermique du soufre peut être intégré dans le calcul des allocations gratuites pour le secteur industriel. Elle affirme que « la notion de « sous-installation avec référentiel de combustibles » couvre […] une fonderie de fusion éclair qui assure l’oxydation du soufre présent ». Cette interprétation reconnaît que l’énergie thermique produite par cette réaction chimique remplit une fonction équivalente à celle d’un combustible classique. Le juge européen privilégie ainsi une approche matérielle de la production de chaleur au détriment d’une lecture strictement formelle des sources d’énergie.

Cette solution permet d’assurer une égalité de traitement entre les installations utilisant des méthodes de combustion différentes pour aboutir à un résultat identique. La Cour souligne que l’oxydation du soufre participe directement à la fusion du concentré de cuivre nécessaire à l’activité de production de l’usine. En intégrant ce procédé technique, le juge garantit que les quotas reflètent fidèlement la réalité thermodynamique des installations soumises au système d’échange européen. Cette clarification technique facilite l’application des référentiels harmonisés tout en respectant les objectifs de réduction des émissions polluantes fixés par le législateur européen.

B. La finalité environnementale du référentiel de combustibles

L’interprétation retenue s’inscrit dans la volonté de maintenir l’efficacité du système communautaire d’échange de quotas de gaz à effet de serre. La Cour rappelle que le référentiel de combustibles doit couvrir les installations dont l’activité engendre des émissions inhérentes à leur procédé de fabrication. En qualifiant la fonderie de fusion éclair de sous-installation éligible, le juge évite une exclusion injustifiée de certaines technologies de pointe moins carbonées. La reconnaissance de cette spécificité technique encourage les exploitants à optimiser leurs processus industriels en valorisant l’énergie contenue dans les matières premières.

Cette approche fonctionnelle assure la cohérence du régime d’allocation gratuite face à la diversité des méthodes de production de métaux non ferreux. La Cour valide ainsi un raisonnement qui lie la protection de l’environnement à la compréhension précise des réactions chimiques industrielles complexes. Cette décision renforce la sécurité juridique des exploitants en stabilisant les critères d’éligibilité aux aides transitoires prévues pour les secteurs exposés aux fuites de carbone. Une telle solution permet de concilier la rigueur du contrôle des émissions avec les nécessités opérationnelles des installations de production primaire.

II. La consécration d’un droit à régularisation au-delà du terme de la période

La décision traite de la dimension temporelle du droit à l’allocation et de l’autorité des décisions juridictionnelles sur les périodes d’échanges clôturées.

A. La survie temporelle de la créance de quotas d’émission

La question de la forclusion administrative est au cœur du raisonnement de la Cour concernant les droits acquis durant la troisième période d’échanges. Le juge énonce que « les quotas à titre gratuit […] peuvent encore être délivrés […] après le 31 décembre 2020 ». Cette affirmation rompt avec une interprétation rigide qui lierait la validité de la délivrance à la durée de la période de référence. La Cour protège ainsi l’exploitant contre les lenteurs de la procédure administrative ou judiciaire qui pourraient priver son droit de tout effet utile.

Cette solution garantit que la clôture comptable d’une période ne saurait faire obstacle à la reconnaissance d’un droit né durant cette même période. Le juge européen privilégie la protection du patrimoine juridique de l’exploitant sur les contraintes temporelles de gestion du système d’échange de quotas. En permettant une exécution tardive, l’arrêt assure que les erreurs de l’autorité nationale de régulation pourront être corrigées sans préjudice pour le demandeur. La pérennité du droit à l’allocation renforce la confiance des acteurs économiques dans la stabilité des mécanismes de compensation écologique européens.

B. L’effectivité de la protection juridictionnelle des exploitants

L’arrêt souligne l’importance du contrôle juridique en précisant que la délivrance intervient « à titre d’exécution d’une décision juridictionnelle rendue après cette date ». La Cour consacre ainsi la supériorité du droit à un recours effectif sur les limites chronologiques des règlements techniques relatifs aux quotas. Cette décision empêche l’autorité administrative de se prévaloir de la fin d’une période pour se soustraire à ses obligations d’allocation gratuite. Le juge européen assure une application uniforme du droit de l’Union en protégeant les justiciables contre les conséquences des délais de jugement.

L’impact de cette jurisprudence est significatif pour la gestion future des contentieux liés aux gaz à effet de serre dans l’espace européen. Elle confirme que les droits individuels issus de la réglementation environnementale ne s’éteignent pas par le simple passage du temps lors d’un procès. Cette approche renforce l’autorité du juge national en lui donnant les moyens de restaurer pleinement la situation juridique de l’exploitant lésé. La Cour confirme ainsi que l’efficacité du système d’échange repose sur une application rigoureuse et équitable des règles d’allocation transitoire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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