La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 25 octobre 2012, précise l’étendue de la protection accordée aux citoyens recherchant un emploi. Une ressortissante française a effectué ses études secondaires dans son État d’origine avant de s’installer en Belgique à la suite de son mariage. L’administration nationale lui a refusé le bénéfice des allocations d’attente au motif qu’elle n’avait pas suivi six années d’études dans un établissement belge. Le Tribunal du travail de Tournai a d’abord accueilli le recours de l’intéressée par un jugement du 19 décembre 2008 contre cette décision administrative. La Cour du travail de Mons a toutefois réformé cette solution le 25 février 2010 en niant tout droit fondé sur le traité européen. La Cour de cassation belge a alors interrogé la juridiction européenne sur la conformité de cette condition de scolarité exclusive avec le principe d’égalité. La question posée concerne la validité d’un critère de scolarité imposé de manière absolue pour démontrer le lien réel d’un demandeur avec le marché local. La Cour de justice juge que le droit de l’Union s’oppose à une telle exigence dès lors qu’elle empêche la prise en compte d’autres facteurs.
I. L’assimilation des demandeurs d’emploi au statut de travailleur protégé
A. L’application du principe de non-discrimination au bénéfice financier
Les ressortissants d’un État membre se déplaçant pour chercher un emploi relèvent du champ d’application de la libre circulation des travailleurs garantie par le traité. Le statut de citoyen de l’Union permet d’obtenir le même traitement juridique indépendamment de la nationalité dans toutes les situations régies par le droit européen. La juridiction précise qu’il n’est plus possible d’exclure du champ de l’égalité « une prestation de nature financière destinée à faciliter l’accès à l’emploi ». Les allocations d’attente constituent des prestations sociales dont l’objectif est d’accompagner le passage de l’enseignement au marché du travail pour les jeunes diplômés. La requérante est donc fondée à invoquer la protection contre toute discrimination en raison de sa nationalité pour l’octroi de ce soutien financier spécifique.
B. La caractérisation d’une entrave indirecte liée au parcours scolaire
Le droit européen interdit les discriminations ostensibles mais également les formes dissimulées de distinction aboutissant, en fait, à un résultat similaire pour les citoyens. La réglementation nationale introduit une différence de traitement selon que les jeunes peuvent justifier d’une période de scolarité prolongée dans un établissement d’enseignement national. Une condition afférente à la nécessité d’avoir étudié dans l’État d’accueil est, par sa nature même, susceptible d’être plus facilement remplie par les ressortissants nationaux. Ce critère risque de défavoriser principalement les ressortissants des autres États membres ayant exercé leur droit à la mobilité géographique après la fin des études. L’existence d’une différence de traitement étant établie, il convient alors d’examiner si des considérations objectives et proportionnées peuvent justifier une telle mesure restrictive.
II. Le contrôle de proportionnalité de l’exigence d’un lien réel
A. La légitimité reconnue de l’objectif de rattachement au marché
Le législateur national peut légitimement vouloir s’assurer de l’existence d’un lien réel entre le demandeur des allocations sociales et le marché géographique du travail concerné. Cette volonté de prévenir les déplacements effectués dans le seul but de bénéficier de prestations sociales sans intention de s’intégrer constitue un objectif impérieux. La Cour reconnaît ainsi qu’un État membre peut subordonner l’octroi d’une aide à la démonstration d’un rattachement effectif avec son propre système économique. Le critère de la scolarité peut constituer un indice de ce lien, mais sa mise en œuvre doit respecter les exigences découlant du principe de proportionnalité. L’appréciation de la valeur de la mesure dépend de sa capacité à ne pas excéder ce qui est strictement nécessaire pour atteindre ce but.
B. L’invalidité du caractère exclusif de la condition de scolarité
Une condition unique relative au lieu d’études présente un caractère trop général et exclusif en privilégiant indûment un seul élément au détriment de tout autre. Cette règle « fait obstacle à la prise en compte d’autres éléments représentatifs propres à établir l’existence d’un lien réel » entre le demandeur et l’État. Le mariage avec un ressortissant national ainsi que la résidence habituelle sur le territoire constituent des indices sérieux d’une intégration durable dans la société. L’inscription comme demandeur d’emploi et la recherche active de travail pendant une période raisonnable attestent également d’un lien concret avec le marché économique local. La Cour conclut que l’article 39 CE s’oppose à une disposition nationale subordonnant l’aide à six années d’études lorsque cette condition interdit toute autre preuve.