Par la décision commentée, la Cour de justice de l’Union européenne se prononce sur les conséquences du défaut de transposition d’une directive par un État membre. Cet arrêt illustre l’un des mécanismes fondamentaux de contrôle du respect du droit de l’Union par les États.
En l’espèce, un État membre n’avait pas adopté l’ensemble des dispositions législatives, réglementaires et administratives requises pour assurer la pleine conformité de son ordre juridique interne avec une directive. Cette dernière portait sur les exigences organisationnelles et les conditions d’exercice applicables aux entreprises d’investissement. Le délai de transposition fixé par la directive étant expiré, l’inaction de l’État a été portée devant la juridiction de l’Union.
La procédure en manquement, vraisemblablement initiée par la Commission européenne en sa qualité de gardienne des traités, a ainsi suivi son cours. Après une phase précontentieuse, la Cour de justice a été saisie afin qu’elle constate officiellement la défaillance de l’État concerné. Les prétentions de l’institution poursuivante visaient à faire reconnaître que le non-respect de l’obligation de transposition constituait une violation du droit de l’Union.
La question juridique posée à la Cour était donc de déterminer si l’absence de mesures nationales de transposition dans le délai imparti suffisait, à elle seule, à caractériser un manquement aux obligations découlant des traités. La solution ne faisait que peu de doute au regard de la jurisprudence constante en la matière.
La Cour de justice répond par l’affirmative en des termes dénués de toute ambiguïté. Elle juge qu’« en n’ayant pas pris les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive […], la République tchèque a manqué aux obligations qui lui incombent ». Cette solution, classique dans sa formulation, rappelle le caractère objectif de l’infraction et l’importance de l’obligation de transposition pour l’effectivité du droit de l’Union. Elle confirme la nature et la rigueur du contrôle exercé par la Cour (I), tout en soulignant la portée de ce contrôle pour la cohérence de l’ordre juridique européen (II).
I. La caractérisation objective du manquement d’État
La décision de la Cour de justice repose sur une conception stricte de l’obligation de transposition qui pèse sur les États membres (A). Le manquement est ainsi constaté sur la base d’une simple défaillance matérielle, indépendamment de toute considération relative à ses causes (B).
A. L’obligation de transposition, un devoir impérieux de l’État membre
En vertu de l’article 288 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne, la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre. Elle laisse cependant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens pour y parvenir. La transposition est l’opération par laquelle l’État insère les objectifs de la directive dans son droit interne. Cette obligation doit être exécutée dans le délai fixé par le texte.
Le respect de ce délai constitue une condition essentielle pour garantir l’application simultanée et uniforme du droit de l’Union sur tout son territoire. Il assure la sécurité juridique pour les justiciables, qui doivent pouvoir se prévaloir des droits que les directives leur confèrent. L’arrêt commenté réaffirme implicitement que cette obligation n’est pas une simple faculté, mais un devoir fondamental dont la négligence engage la responsabilité de l’État.
B. La constatation matérielle de la défaillance
Pour établir le manquement, la Cour de justice n’examine pas les raisons pour lesquelles l’État membre a failli à ses obligations. Des difficultés d’ordre politique, administratif ou technique ne sauraient constituer une excuse valable pour justifier le non-respect du délai de transposition. Le raisonnement de la Cour est purement objectif.
Elle se contente de vérifier si, à la date d’expiration du délai, les mesures nationales nécessaires avaient été adoptées et notifiées à la Commission. Dans la présente affaire, la Cour relève que l’État membre n’a « pas pris les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires ». Ce simple constat factuel suffit à caractériser la violation du droit de l’Union. La condamnation est donc la conséquence quasi automatique de cette défaillance matérielle.
II. La portée du contrôle juridictionnel du respect du droit de l’Union
Au-delà de sa fonction déclaratoire, l’arrêt en manquement emporte des conséquences directes pour l’État défaillant (A). Il constitue surtout un instrument essentiel pour assurer la primauté et l’effectivité du droit de l’Union (B).
A. Les suites de la condamnation pour manquement
La première conséquence de l’arrêt est la condamnation de l’État membre aux dépens, comme le précise le second point du dispositif. Si cette sanction est avant tout symbolique, elle marque la fin de la phase contentieuse et le début d’une nouvelle obligation pour l’État. Celui-ci doit se conformer à l’arrêt dans les plus brefs délais et prendre enfin les mesures de transposition qui s’imposent.
Si l’État persistait dans son inaction, la Commission pourrait engager une seconde procédure, dite de « manquement sur manquement », sur le fondement de l’article 260 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne. Cette nouvelle saisine pourrait aboutir à une condamnation pécuniaire sous la forme d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte journalière. Le mécanisme montre la force coercitive de l’ordre juridique de l’Union.
B. La garantie de l’effectivité de l’ordre juridique de l’Union
Le recours en manquement est la pierre angulaire de l’architecture institutionnelle de l’Union européenne. Il garantit que les obligations souscrites par les États membres ne restent pas lettre morte. Sans un mécanisme de contrôle et de sanction efficace, l’application uniforme des directives serait compromise, créant des distorsions entre les États et une insécurité juridique pour les particuliers et les entreprises.
En sanctionnant systématiquement le défaut de transposition, la Cour de justice adresse un message clair à l’ensemble des États membres. Elle rappelle que l’appartenance à l’Union implique une soumission à un ordre juridique commun et le respect loyal des règles du jeu. Cet arrêt, bien que décision d’espèce, s’inscrit dans une jurisprudence constante et nécessaire à la primauté et à l’effet utile du droit de l’Union.