La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 26 avril 2012, une décision précisant les conditions d’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée. L’affaire concernait des prestations de démantèlement de treize navires appartenant à la marine d’un État tiers, réalisées au sein d’un État membre. Un contrat prévoyait la préparation puis le remorquage des bâtiments de réserve jusqu’au site industriel chargé de leur destruction définitive. L’administration fiscale nationale estimait que ces services devaient être soumis au taux normal, tandis que le prestataire revendiquait le bénéfice d’une exonération. Le litige fut porté devant l’Upper Tribunal (Tax and Chancery Chamber) de Londres qui décida de saisir la Cour d’une question préjudicielle le 9 mai 2011. La juridiction s’interrogeait sur la portée de l’article 151 de la directive 2006/112 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Le problème de droit résidait dans l’application de l’exonération à des forces armées n’étant pas stationnées sur le territoire de la prestation. La Cour a jugé que l’exonération s’applique uniquement si les forces sont affectées à l’effort commun de défense et séjournent sur le territoire concerné. L’étude de cette solution conduit à examiner d’abord l’exigence d’une affectation fonctionnelle avant d’analyser la condition géographique liée au stationnement des troupes.
I. L’exigence d’une affectation fonctionnelle à la défense commune
A. La subordination de l’exonération à l’effort de défense La Cour rappelle que les exonérations de taxe doivent être interprétées strictement car elles constituent des exceptions au principe général de taxation. Elle rejette une lecture grammaticale isolée qui limiterait la condition de l’effort de défense aux seuls services d’approvisionnement des mess ou cantines. Une telle différenciation entre les livraisons de biens et les prestations de services apparaîtrait dépourvue de tout sens au regard de la directive. « L’exonération instaurée par l’article 151, paragraphe 1, sous c) » doit donc être comprise globalement pour garantir l’uniformité d’application du droit de l’Union. Cette approche prévient une extension indue du champ d’application de la dispense fiscale à des activités militaires sans lien avec l’alliance.
B. L’interprétation rigoureuse des dérogations fiscales Le raisonnement des juges s’appuie sur le protocole relatif au statut des quartiers généraux militaires internationaux créé en vertu du traité de l’Atlantique Nord. Ce texte prévoit une exonération pour les taxes afférentes aux dépenses supportées « dans l’intérêt de la défense commune » et pour un avantage officiel. La décision précise que le législateur de l’Union s’est inspiré de ces engagements internationaux pour rédiger les dispositions fiscales de la directive. Le service de démantèlement de navires obsolètes ne peut bénéficier de la franchise que s’il s’inscrit directement dans cette finalité de défense. Après avoir précisé la finalité des services rendus, il convient d’étudier la condition géographique relative à la présence physique des troupes sur le territoire.
II. L’exigence d’une présence territoriale des forces armées
A. La nécessité du stationnement effectif des troupes L’arrêt consacre l’importance du lieu de séjour des forces armées bénéficiaires pour l’application du régime d’exonération prévu par le droit européen. La Cour observe que le texte vise les prestations destinées aux forces des autres États membres lorsque ces dernières séjournent sur le territoire. Cette exigence géographique permet d’exclure les forces armées nationales ainsi que les forces étrangères n’ayant aucune présence effective dans l’État prestataire. « Le lieu du stationnement ou du séjour des forces armées est pertinent » pour déterminer si l’opération peut valablement échapper à l’imposition. La simple présence d’inspecteurs étrangers sur le site industriel ne saurait caractériser le stationnement des forces armées requis par le législateur.
B. La sauvegarde de la cohérence du système de taxe Une interprétation extensive permettrait à des forces étrangères non résidentes de bénéficier de prestations hors taxe, contournant ainsi les règles normales de territorialité. La Cour souligne que le législateur a voulu exclure de l’exonération les livraisons destinées aux forces armées de l’État membre d’accueil. Cette volonté de cohérence impose que les troupes soient stationnées ou séjournent effectivement sur le territoire de l’État où le service est rendu. Une solution contraire porterait atteinte au principe de neutralité fiscale en créant des distorsions de concurrence entre les différents prestataires économiques. La décision confirme ainsi que la prestation de démantèlement n’est exonérée que si elle bénéficie à des forces stationnées participant à la défense.