Cour de justice de l’Union européenne, le 26 avril 2012, n°C-419/10

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 26 avril 2012, un arrêt fondamental concernant l’articulation entre la sécurité routière et la libre circulation. Cette décision précise l’interprétation de la directive 2006/126/CE à propos de la reconnaissance des titres de conduite délivrés par un État membre. Un citoyen a subi une condamnation pénale pour conduite sous l’emprise de l’alcool entraînant le retrait de son droit de circuler. L’Amtsgericht Memmingen avait assorti cette mesure d’une interdiction de solliciter un nouveau permis de conduire pendant quinze mois. Après l’expiration de cette interdiction, l’intéressé a obtenu un titre délivré en République tchèque en y établissant sa résidence normale. Les autorités de son État d’origine ont refusé de valider ce document lors d’un contrôle routier effectué sur leur territoire. Le *Verwaltungsgericht Augsburg* a rejeté le recours contre cet acte administratif en invoquant la protection de la sécurité publique. Le *Bayerischer Verwaltungsgerichtshof* a saisi la Cour de justice pour clarifier les obligations pesant sur les États membres. La question juridique porte sur la possibilité de refuser un permis étranger délivré après une période d’interdiction de solliciter un nouveau titre. La Cour affirme que les dispositions européennes s’opposent à un refus de reconnaissance fondé uniquement sur un retrait antérieur expiré. Cette solution consacre la primauté du principe de reconnaissance mutuelle sur les prérogatives policières nationales en l’absence de fraude. L’analyse porte sur le maintien de l’obligation de reconnaissance mutuelle et sur l’encadrement des limites au pouvoir souverain des États membres.

I. Le maintien du principe de reconnaissance mutuelle malgré les évolutions législatives

A. La persistance de l’obligation de reconnaissance automatique

Le droit de l’Union impose aux États membres une obligation claire de reconnaître sans formalité les permis de conduire délivrés par leurs partenaires européens. L’article 2 paragraphe 1 de la directive 2006/126/CE dispose ainsi que « les permis de conduire délivrés par les États membres sont mutuellement reconnus ». Cette disposition ne laisse aucune marge d’appréciation aux autorités nationales quant aux mesures à adopter pour se conformer au principe de confiance. La Cour précise que « la détention d’un permis de conduire délivré par un État membre doit être considérée comme constituant la preuve que le titulaire de ce permis remplissait […] lesdites conditions ». L’État de résidence ne peut pas vérifier à nouveau le respect de ces exigences minimales sans porter atteinte à l’efficacité du système.

B. L’encadrement strict des motifs de refus de validité

La nouvelle législation a transformé l’ancienne faculté de refus en une obligation stricte pour renforcer la sécurité sur le réseau routier européen. L’article 11 paragraphe 4 prévoit qu’un État « refuse de reconnaître » la validité d’un permis si le titulaire fait l’objet d’un retrait. Cette mesure dérogatoire doit néanmoins être interprétée de manière restrictive car elle constitue une exception au principe général de libre circulation. Le texte implique que les mesures de restriction ou de suspension doivent être effectivement en cours au moment de la délivrance du titre. Un refus fondé sur une mesure ayant déjà épuisé tous ses effets juridiques excèderait les limites fixées par le législateur européen.

II. Les limites du pouvoir souverain de l’État d’accueil face à la libre circulation

A. L’interdiction d’une restriction perpétuelle au droit de conduire

L’État membre ne saurait invoquer ses dispositions nationales pour s’opposer indéfiniment à la reconnaissance d’un permis délivré par une autorité étrangère compétente. Admettre une telle pratique reviendrait à nier le principe de reconnaissance mutuelle qui constitue pourtant la clef de voûte de la coopération. La Cour souligne que l’article 11 paragraphe 4 ne permet pas de refuser indéfiniment la validité d’un titre obtenu après une interdiction. Une interprétation extensive entraverait le droit de circuler librement conféré à tout citoyen européen par les traités fondateurs de l’Union. La protection de la sécurité routière ne saurait justifier une exclusion permanente du droit de conduire sans limitation dans le temps.

B. La primauté de la résidence normale sur le contrôle des aptitudes

L’État d’accueil ne peut exiger la réussite d’un test médico-psychologique national si le conducteur a respecté la condition de résidence normale. Le permis obtenu à l’étranger après l’expiration des sanctions initiales doit être pleinement reconnu par toutes les autorités administratives du territoire. Les mentions portées sur le document ou les informations provenant de l’État de délivrance constituent les seuls éléments de vérification admissibles. La juridiction nationale doit simplement s’assurer que l’intéressé résidait effectivement en République tchèque lors de la création de son nouveau titre. Cette solution empêche les États d’imposer des exigences techniques plus sévères que celles prévues par l’harmonisation minimale de la directive.

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Hassan KOHEN
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