Cour de justice de l’Union européenne, le 26 avril 2017, n°C-632/15

    La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 26 avril 2017, un arrêt fondamental concernant l’interprétation de la directive relative au permis de conduire. Ce litige porte sur l’application de l’article 13, paragraphe 2, au regard des droits de conduire obtenus sous l’empire de législations nationales antérieures. Un conducteur disposait d’une attestation de formation au code de la route lui permettant de circuler avec un cyclomoteur sans posséder de permis de conduire. Suite à la transposition de la directive 2006/126, la réglementation nationale a subordonné la conduite de ces véhicules à l’obtention d’un titre de catégorie am. Le requérant a contesté cette nouvelle obligation devant la Cour d’appel de Bucarest en invoquant le principe de protection des droits acquis avant janvier 2013. Après le rejet d’une exception d’inconstitutionnalité le 5 décembre 2013, la Haute Cour de cassation et de justice de Roumanie a saisi la juridiction européenne. La question posée visait à déterminer si le droit de l’Union interdit d’imposer un examen aux usagers qui bénéficiaient auparavant d’une simple autorisation de circuler. La Cour juge que les dispositions européennes « ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui met fin à l’autorisation de conduire des cyclomoteurs sans permis ». Cette solution repose sur une distinction entre les titres formels et les habilitations administratives, tout en privilégiant l’objectif essentiel de sécurité routière pour tous. L’analyse portera d’abord sur l’interprétation restrictive de la notion de droits de conduire acquis avant d’examiner la primauté de l’impératif de protection des usagers.

I. Une interprétation strictement limitée de la notion européenne de droits de conduire acquis avant l’entrée en vigueur de la nouvelle directive

    La protection des prérogatives individuelles s’inscrit dans un cadre juridique précis qui limite l’application du principe de maintien des droits aux seuls titres de conduite officiels.

A. Une délimitation juridique fondée sur l’économie générale du texte et le système de reconnaissance mutuelle des titres de transport

    Les juges soulignent que l’article 13 de la directive vise uniquement à régler la question des équivalences entre les droits acquis et les nouvelles catégories. La Cour rappelle que cette disposition concerne « l’échange des anciens permis de conduire » afin d’éviter toute perte de prérogatives lors de la mise en œuvre. Cette approche systématique limite la protection aux titres de conduite qui résultent d’un acte administratif individuel remis de façon formelle par l’autorité compétente. L’objectif poursuivi consiste à instaurer un modèle communautaire unique tout en préservant la validité des documents officiels déjà délivrés par les différents États membres. L’équivalence mentionnée par le texte ne saurait s’étendre aux situations de simple tolérance ou aux habilitations ne prenant pas la forme d’un véritable permis. La protection des droits acquis étant ainsi circonscrite aux titres formels, il convient d’analyser les motifs techniques justifiant l’exclusion des simples attestations de formation.

B. Le refus d’une extension de la protection aux simples autorisations administratives ne prenant pas la forme d’un document officiel

    La juridiction européenne constate l’existence de divergences entre les versions linguistiques du texte, notamment concernant l’expression relative au droit de conduire effectivement délivré. Elle précise qu’une formulation utilisée dans une seule langue ne saurait servir de base unique à l’interprétation ou se voir attribuer un caractère prioritaire. Le terme employé dans certaines versions évoque l’acception usuelle d’un document matérialisant une habilitation expresse résultant d’un acte administratif formel remis aux usagers. Par conséquent, une personne titulaire d’une simple attestation de formation ne peut invoquer la protection prévue pour les droits de conduire délivrés par l’administration. Le juge refuse de consacrer un droit acquis général qui ferait obstacle à l’évolution nécessaire des conditions techniques d’accès à la circulation sur route. Cette exclusion des habilitations informelles permet alors au législateur d’imposer des exigences accrues afin de garantir un niveau de sécurité optimal pour chaque citoyen.

II. La primauté absolue de l’objectif de sécurité routière au sein du processus d’harmonisation des permis de conduire européens

    La volonté d’uniformisation des règles de conduite répond à une exigence de protection de la vie humaine qui justifie pleinement le renforcement des conditions nationales.

A. L’exigence de garanties théoriques et pratiques renforcées pour assurer la protection des usagers vulnérables circulant sur la voie publique

    L’introduction d’une catégorie spécifique pour les cyclomoteurs vise à renforcer la sécurité routière, en particulier pour les conducteurs les plus jeunes et les vulnérables. Le considérant 8 de la directive énonce qu’il convient de fixer des conditions minimales de délivrance pour répondre efficacement aux impératifs de protection publique. L’obligation de réussir une épreuve théorique garantit que chaque usager possède les connaissances et les aptitudes indispensables à la parfaite maîtrise de son véhicule. Cette exigence permet également l’application des dispositions nationales relatives au retrait ou à la suspension du titre en cas d’infraction grave au code routier. La Cour considère que le niveau de protection souhaité par le législateur de l’Union justifie l’imposition de formalités supplémentaires aux anciens conducteurs de cyclomoteurs. La sécurité collective l’emportant sur le maintien des facilités individuelles, les autorités nationales disposent d’une marge de manœuvre pour adapter leurs propres règles.

B. La légitimité du pouvoir de durcissement des conditions nationales d’habilitation reconnu aux autorités compétentes des différents États membres

    Une interprétation interdisant aux États membres de durcir les conditions d’habilitation ferait obstacle à la poursuite de l’objectif d’amélioration de la sécurité routière recherché. Les dispositions nationales peuvent donc légitimement mettre fin aux régimes d’autorisation simplifiés pour les remplacer par des examens similaires aux autres véhicules à moteur. Ce pouvoir reconnu aux autorités publiques s’inscrit dans la volonté d’harmoniser les normes relatives aux connaissances et aux comportements liés à la conduite automobile. Le juge européen valide ainsi la possibilité pour un État de subordonner le maintien du droit de circuler à la réussite de nouvelles épreuves théoriques. Cette solution assure une application uniforme de la directive tout en permettant une élévation constante du niveau de compétence exigé des conducteurs sur le territoire. La portée de l’arrêt confirme que la protection des droits acquis ne saurait paralyser l’action législative légitime destinée à protéger la vie humaine.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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