La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 26 avril 2018, une décision fondamentale concernant la fiscalité appliquée aux grands établissements commerciaux. Un litige opposait une organisation professionnelle à une administration régionale au sujet de la légalité d’un impôt assis sur la surface de vente. Les requérants soutenaient que l’exonération des petits commerces constituait une aide d’État prohibée et une entrave injustifiée à la liberté d’établissement prévue. La juridiction de renvoi a sollicité l’interprétation des articles 49, 54 et 107 du Traité pour vérifier la validité du dispositif fiscal national. La Cour a conclu à la conformité de l’impôt en soulignant l’absence de discrimination et la justification environnementale des distinctions opérées entre opérateurs. L’analyse portera sur la validité de l’impôt au regard de la liberté d’établissement avant d’étudier l’absence de qualification d’aide d’État des exonérations.
I. La validité de l’impôt au regard de la liberté d’établissement
A. L’absence de discrimination directe ou indirecte
Les articles 49 et 54 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdisent toute restriction à la liberté d’établissement des sociétés ressortissantes. La Cour affirme que ces dispositions « ne s’opposent pas à un impôt frappant les grands établissements commerciaux, tel que celui en cause ». Ce dispositif fiscal ne comporte aucune distinction fondée sur la nationalité ou le lieu du siège social des entreprises de distribution concernées. L’application uniforme de la taxe à l’ensemble des opérateurs présents sur le marché national écarte ainsi l’existence d’une quelconque discrimination directe manifeste.
B. La justification par des impératifs d’intérêt général
Le recours au critère de la surface de vente est considéré comme neutre s’il n’avantage pas systématiquement les entreprises nationales du secteur. Toutefois, les juges admettent que la pression fiscale différenciée répond à des objectifs légitimes liés à l’aménagement urbain et à la politique environnementale. La régulation de l’implantation des grandes surfaces vise à limiter les nuisances territoriales tout en préservant l’équilibre fragile des centres-villes historiques. Cette mesure apparaît proportionnée aux buts recherchés car elle cible spécifiquement les structures dont l’impact sur le territoire est le plus important.
II. L’exclusion de la qualification d’aide d’État
A. Le caractère non sélectif des exonérations liées à la surface
L’article 107 du Traité prohibe les aides d’État qui procurent un avantage sélectif à certaines entreprises au détriment de leurs concurrents directs. L’exonération des établissements dont la surface est inférieure à 500 m² ne constitue pas un tel avantage au sens du droit européen. « Un tel impôt n’est pas constitutif d’une aide d’État » dès lors que le critère de distinction repose sur une base objective. La structure du système fiscal attaqué ne semble pas favoriser un groupe particulier de sociétés de manière arbitraire ou injustifiée techniquement.
B. La justification objective des distinctions sectorielles
Les dispenses accordées à certains secteurs spécialisés comme les jardineries s’expliquent par leur impact environnemental supposément moindre sur le territoire local. La Cour précise que ces établissements « ne causent pas des atteintes à l’environnement et à l’aménagement du territoire aussi importantes que les autres ». Toutefois, la validité de cette distinction sectorielle demeure subordonnée à une vérification concrète par la juridiction nationale saisie du litige principal. Il appartient aux magistrats nationaux de s’assurer que les motifs avancés correspondent à une réalité tangible au regard des objectifs de protection environnementale.