La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 26 avril 2018, s’est prononcée sur les modalités d’exercice du droit à déduction.
Un assujetti a fait l’objet d’un contrôle fiscal portant sur une période déterminée de l’année 2014, lequel s’est clôturé sans constatation d’anomalie majeure. Postérieurement à ce contrôle, l’entreprise a sollicité le remboursement de montants de taxe n’ayant pas été initialement déduits en raison d’erreurs comptables. L’administration fiscale a toutefois rejeté cette demande en invoquant une réglementation nationale interdisant toute rectification des déclarations fiscales dès lors qu’un contrôle a été clôturé.
Saisi d’un recours, le tribunal de grande instance de Suceava a confirmé ce refus par un jugement rendu en date du 31 mars 2016. La Cour d’appel de Suceava a alors décidé de surseoir à statuer afin d’interroger la Cour de justice sur la conformité de cette exclusion. La question visait à déterminer si le droit de l’Union s’oppose à une règle nationale empêchant la rectification d’une déclaration après un contrôle fiscal. La Cour de justice juge que les principes d’effectivité, de neutralité et de proportionnalité font obstacle à une telle dérogation au délai de prescription général. L’analyse de cette solution commande d’étudier l’affirmation du droit à déduction face aux contraintes nationales, puis l’encadrement des prérogatives étatiques par la proportionnalité.
I. L’affirmation du droit à déduction face aux contraintes procédurales nationales
A. La primauté du principe de neutralité fiscale
La Cour rappelle que le droit des assujettis de déduire la taxe constitue un « principe fondamental du système commun » mis en place par le législateur. Ce mécanisme vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la taxe due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le refus de l’administration fiscale repose ici sur l’omission d’exigences formelles liées à la procédure de rectification après la clôture d’un contrôle fiscal définitif. Or, la juridiction souligne que le principe de neutralité exige que la déduction soit accordée dès lors que les conditions de fond sont effectivement satisfaites.
B. L’incompatibilité de la forclusion anticipée avec le principe d’effectivité
L’existence d’un délai de prescription de cinq ans en droit interne offre normalement une garantie temporelle suffisante pour l’exercice des droits de l’assujetti. Cependant, la réglementation litigieuse instaure une forclusion anticipée qui prive l’entreprise de sa faculté de rectification dès la clôture d’un contrôle fiscal imprévu. Cette restriction rend en pratique « impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit à déduction » pour le contribuable n’ayant pas identifié ses erreurs. La Cour juge donc cette mesure incompatible avec le principe d’effectivité car elle écourte de manière injustifiée le délai ouvert par le droit commun.
II. L’encadrement des prérogatives étatiques par les principes de proportionnalité et de sécurité juridique
A. Le caractère disproportionné du refus absolu de déduction
Les États membres peuvent assortir les obligations formelles de sanctions pour assurer le bon fonctionnement du système commun de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, une sanction consistant en un « refus absolu du droit à déduction » apparaît manifestement excessive lorsqu’aucune fraude au budget de l’État n’est établie. La Cour suggère qu’une amende administrative pécuniaire serait un moyen suffisant pour sanctionner une négligence sans pour autant anéantir le droit fondamental concerné. Cette approche garantit le respect des objectifs fiscaux tout en préservant les principes essentiels posés par la législation de l’Union européenne en la matière.
B. La redéfinition de la sécurité juridique au profit de l’assujetti
L’administration invoquait le principe de sécurité juridique pour justifier l’irrévocabilité du contrôle fiscal et l’interdiction de toute modification ultérieure des déclarations de taxe. La Cour écarte cet argument en précisant qu’un tel régime œuvre principalement pour l’efficacité des contrôles fiscaux et du fonctionnement de l’administration nationale. Le principe de sécurité juridique ne saurait être utilisé par les autorités fiscales pour s’opposer à la rectification par l’assujetti d’une déclaration erronée. Cette décision confirme ainsi que les nécessités de gestion administrative ne peuvent primer sur la protection effective des droits conférés par la directive européenne.