Cour de justice de l’Union européenne, le 26 avril 2018, n°C-81/17

Par un arrêt du 26 avril 2018, la Cour de justice de l’Union européenne précise l’articulation entre le droit à déduction et les limites procédurales nationales. Un opérateur économique a fait l’objet d’un contrôle fiscal portant sur une période déterminée, lequel a été clôturé par un rapport définitif de l’administration. L’assujetti a sollicité le remboursement de créances nées durant la période contrôlée, suite à la rectification d’erreurs comptables et à la découverte de pièces justificatives. L’administration fiscale a opposé un refus systématique, invoquant l’impossibilité de modifier une déclaration relative à un exercice ayant déjà fait l’objet d’un contrôle définitif.

Le demandeur à l’instance a formé un recours en annulation devant le tribunal de grande instance de Suceava contre ce refus de remboursement. La défenderesse a soutenu que la forclusion du droit à déduction était justifiée par le principe de sécurité juridique et l’unicité du contrôle fiscal. Le tribunal de grande instance de Suceava a rejeté le recours par un jugement rendu le 31 mars 2016, estimant la perte du droit imputable à la négligence. L’assujetti a ensuite sollicité l’infirmation de ce premier jugement devant la cour d’appel de Suceava pour contester la validité de cette restriction procédurale.

La cour d’appel de Suceava a décidé le 23 janvier 2017 de surseoir à statuer pour interroger le juge européen sur la conformité de cette législation. La question posée est de savoir si la directive TVA interdit une législation nationale empêchant la rectification des déclarations après un contrôle fiscal clôturé. La Cour répond par l’affirmative, jugeant que les principes d’effectivité, de neutralité et de proportionnalité s’opposent à une telle forclusion précoce du droit à déduction. L’analyse du sens de cette décision permet de souligner la force du droit à déduction avant d’en apprécier la valeur et la portée jurisprudentielle.

I. La primauté du droit à déduction sur le formalisme procédural national

A. L’affirmation du caractère fondamental du droit à déduction

La Cour rappelle que le droit des assujettis de déduire la taxe payée constitue un principe fondamental du système commun établi par le droit de l’Union. Elle souligne que ce droit fait « partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité » par des mesures nationales excessives. Le régime des déductions vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la taxe due ou acquittée dans le cadre de ses activités économiques taxées. Cette protection du droit substantiel se heurte toutefois aux principes procéduraux nationaux dont la Cour doit apprécier la validité au regard de la sécurité juridique.

B. L’éviction du principe d’unicité du contrôle fiscal

La juridiction européenne écarte l’argument selon lequel l’unicité du contrôle fiscal justifierait l’impossibilité pour l’assujetti de rectifier ses déclarations au terme d’un audit. Elle constate que la réglementation nationale permet pourtant à l’administration de procéder à un nouveau contrôle, créant une asymétrie contraire au principe de sécurité juridique. Un tel régime « œuvre principalement pour l’efficacité des contrôles fiscaux et du fonctionnement de l’administration nationale » sans garantir la sauvegarde effective des droits des contribuables.

II. L’exigence de proportionnalité face aux restrictions du droit à déduction

A. Le caractère disproportionné du refus absolu de rectification

Cette reconnaissance de la primauté substantielle impose d’évaluer la validité des sanctions procédurales à l’aune des principes de neutralité et de proportionnalité du droit européen. Le principe de neutralité exige que la déduction soit accordée si les conditions de fond sont satisfaites, nonobstant l’omission initiale de certaines exigences de forme. L’impossibilité de remédier à une erreur matérielle après un contrôle entraîne une charge fiscale définitive, ce qui contredit la finalité même du système commun. Une sanction consistant en un refus absolu du droit à déduction « apparaît disproportionnée au cas où aucune fraude ni atteinte au budget de l’État ne seraient établies ».

B. La sauvegarde de l’effectivité du système commun de taxe

Le refus de rectification doit céder devant la nécessité de garantir l’application effective de la directive dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Les États membres doivent employer des moyens qui portent le moins atteinte aux principes de l’Union, en garantissant l’exercice effectif du droit à déduction. Le délai de prescription de cinq ans ne peut être abrégé par le seul déclenchement d’un audit, sous peine de rendre l’exercice du droit impossible. Cette décision consacre une protection renforcée de l’assujetti contre les rigidités administratives nationales contraires à la fluidité nécessaire du marché commun et de sa fiscalité.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture