La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 26 février 2013, une décision fondamentale relative à l’application de la charte des droits fondamentaux.
Le litige trouve son origine dans le non-respect d’obligations déclaratives en matière de taxe sur la valeur ajoutée par un contribuable.
L’administration fiscale a d’abord infligé des sanctions pécuniaires, puis des poursuites pénales ont été engagées pour les mêmes faits d’évasion fiscale.
La juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité de ce cumul avec le principe interdisant les doubles poursuites consacré par le droit de l’Union.
La Cour précise les conditions d’application de la protection fonctionnelle et le rôle du juge national face aux dispositions législatives contraires à la Charte.
L’analyse portera d’abord sur l’encadrement du cumul des sanctions fiscales et pénales, avant d’aborder les prérogatives du juge dans la mise en œuvre de la Charte.
I. Le conditionnement du cumul des sanctions au regard du principe ne bis in idem
A. L’identification du caractère pénal des sanctions fiscales
L’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne interdit qu’une personne soit jugée ou punie deux fois pour une même infraction.
La Cour affirme que ce principe « ne s’oppose pas à ce qu’un État membre impose, pour les mêmes faits […] successivement une sanction fiscale et une sanction pénale ».
Cette possibilité demeure toutefois strictement subordonnée à l’absence de nature véritablement pénale de la première mesure de répression administrative prononcée par l’autorité.
Le juge européen s’appuie sur des critères matériels pour distinguer la simple réparation du dommage fiscal de la sanction visant une finalité punitive.
B. La délégation du contrôle de proportionnalité à la juridiction nationale
La décision précise qu’il « appartient à la juridiction nationale de vérifier » si la sanction fiscale revêt, en réalité, une dimension proprement pénale.
Ce renvoi laisse au magistrat local la responsabilité d’apprécier la sévérité et la finalité des mesures au regard des circonstances propres à l’espèce.
Le contrôle exercé permet ainsi de maintenir l’efficacité du recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée sans sacrifier les droits de la défense.
L’exercice de ces compétences juridictionnelles s’accompagne d’une clarification nécessaire des sources du droit applicable et de l’autorité reconnue au juge.
II. L’affirmation de l’autorité de la Charte et des pouvoirs du juge national
A. L’autonomie du droit de l’Union vis-à-vis de la Convention européenne
La Cour souligne que le droit de l’Union ne régit pas les rapports entre la Convention européenne des droits de l’homme et les ordres nationaux.
Elle considère que le droit de l’Union « ne détermine pas non plus les conséquences à tirer par un juge national en cas de conflit » entre ces normes.
Cette position réaffirme l’indépendance de l’ordre juridique européen, lequel dispose de ses propres instruments de protection des droits fondamentaux sans dépendre du droit international.
Les juridictions nationales doivent appliquer la Charte dès lors que la réglementation en cause entre dans le champ d’application du droit de l’Union.
B. La pleine effectivité du pouvoir d’éviction du juge national
Le droit de l’Union « s’oppose à une pratique judiciaire qui subordonne l’obligation pour le juge national de laisser inappliquée toute disposition contraire » à la Charte.
Le juge n’est plus tenu d’attendre que la contrariété ressorte de façon évidente du texte ou de la jurisprudence pour écarter la loi nationale.
La Cour impose que le magistrat puisse apprécier pleinement la compatibilité de la norme interne, en sollicitant si nécessaire une aide à l’interprétation.
Cette solution consacre la mission du juge national comme premier garant de l’unité et de la primauté du droit de l’Union dans l’espace européen.