Par un arrêt dont la date n’est pas spécifiée, la Cour de justice de l’Union européenne est venue clarifier la notion de « passager » dans le contexte du transport aérien. En l’espèce, un litige est né à la suite d’un incident impliquant un hélicoptère. Une personne se trouvait à bord de cet aéronef en exécution d’un contrat conclu entre son employeur et un transporteur aérien. Cette personne était transportée afin d’accomplir une mission professionnelle spécifique. Saisie d’une demande d’indemnisation, une juridiction nationale a sursis à statuer. Elle a adressé à la Cour de justice une question préjudicielle visant à déterminer si cet individu pouvait être qualifié de « passager ». La question se posait au regard du règlement européen sur les exigences en matière d’assurance et de la Convention de Montréal sur la responsabilité des transporteurs aériens. Il s’agissait de savoir si une personne transportée dans un cadre professionnel, en vertu d’un contrat conclu par son employeur, bénéficie du statut protecteur de passager. À cette interrogation, la Cour a répondu par l’affirmative. Elle juge d’une part qu’un tel individu est bien un passager au sens du règlement (CE) n° 785/2004. D’autre part, elle affirme que cette qualification s’étend à la Convention de Montréal, dès lors qu’un contrat de transport existe. La solution consacre ainsi une acception large de la notion de passager (I), qu’elle ancre fermement dans le régime unifié du droit international du transport aérien (II).
I. L’extension de la qualification de passager à l’occupant en mission professionnelle
La Cour de justice adopte une définition extensive de la notion de passager au regard du droit de l’Union (A), rendant sans effet la finalité professionnelle spécifique du déplacement (B).
A. Une interprétation téléologique de la notion de passager
La Cour se prononce en premier lieu sur l’interprétation de l’article 3, sous g), du règlement (CE) n° 785/2004. Ce texte fondamental impose aux transporteurs aériens des obligations d’assurance pour les dommages causés aux passagers, aux bagages, au fret et aux tiers. La décision énonce clairement qu’un occupant d’hélicoptère, dans les circonstances de l’espèce, « est un “passager” au sens de cette disposition ». En procédant ainsi, la Cour privilégie une interprétation finaliste du règlement. L’objectif de ce dernier est d’assurer un niveau élevé de protection aux victimes d’accidents aériens, en garantissant leur indemnisation par un mécanisme d’assurance obligatoire. Une lecture restrictive de la notion de passager, qui exclurait les personnes transportées dans un cadre professionnel, irait à l’encontre de cet objectif de protection. La Cour considère donc que la qualité de la personne transportée ne saurait dépendre de la nature civile ou commerciale du contrat de transport.
B. L’indifférence du but professionnel du transport
La Cour précise ensuite que le statut de passager n’est pas altéré par le fait que la personne est transportée afin d’« effectuer une tâche particulière ». Cette précision est essentielle, car elle permet de distinguer le passager du membre d’équipage. Alors que le membre d’équipage participe activement à la conduite ou au service de l’aéronef, le passager est principalement l’objet du contrat de transport. Le fait qu’il doive accomplir une mission à destination ne modifie pas la nature de la prestation principale fournie par le transporteur, qui demeure une prestation de transport. La Cour écarte donc un critère fondé sur le but du voyage. Peu importe que le déplacement soit effectué pour des loisirs, des affaires ou, comme en l’espèce, une mission technique spécifique. Ce qui importe est la situation objective de la personne : être transportée à bord d’un aéronef en vertu d’un engagement pris par le transporteur.
Ayant ainsi consolidé la définition du passager au sein du droit dérivé de l’Union, la Cour s’attache à en assurer l’harmonie avec le droit international qui régit la matière.
II. L’articulation de la notion de passager avec la Convention de Montréal
La Cour de justice affirme une lecture cohérente de la notion de passager entre le règlement et la Convention de Montréal (A), en faisant du contrat de transport le critère central de la qualification (B).
A. L’affirmation d’une lecture harmonisée des notions
Dans un second temps, la Cour établit un lien direct entre la qualification retenue au titre du règlement sur l’assurance et celle applicable sous l’empire de la Convention de Montréal. Elle juge qu’une personne qualifiée de « passager » au sens du règlement de 2004 « relève aussi de la notion de “passager” au sens de l’article 17 de cette convention ». Cette disposition est au cœur du régime de responsabilité du transporteur aérien, puisqu’elle institue une présomption de responsabilité en cas de décès ou de lésion corporelle subie par un passager. En harmonisant les deux notions, la Cour assure la sécurité juridique et la cohérence du système d’indemnisation. Il serait en effet paradoxal qu’une personne soit considérée comme un passager pour les besoins de l’assurance obligatoire, mais se voie refuser cette même qualité au moment d’engager la responsabilité du transporteur. Cette solution garantit que le droit à indemnisation et l’obligation d’assurance qui le couvre reposent sur un champ d’application personnel identique.
B. Le contrat de transport comme critère déterminant
La Cour assortit toutefois sa solution d’une condition fondamentale. L’extension de la qualification de passager au sens de la Convention de Montréal n’est valable que « dès lors que cette personne a été transportée sur la base d’un “contrat de transport” au sens de l’article 3 de ladite convention ». Ce renvoi à l’article 3 de la Convention est décisif. Il confirme que le fondement de l’application du régime de responsabilité réside non pas dans l’identité de la personne qui a payé le voyage, mais dans l’existence d’un accord de volontés portant sur le déplacement d’une personne par aéronef. La Convention de Montréal n’exige pas que le passager soit lui-même partie au contrat ; il suffit qu’il en soit le bénéficiaire. En l’espèce, le contrat conclu entre l’employeur et le transporteur aérien constitue bien le « contrat de transport » en vertu duquel l’employé a été transporté. C’est donc ce lien contractuel qui confère à l’occupant de l’aéronef la qualité de passager et lui ouvre droit au régime de protection de la Convention.