Cour de justice de l’Union européenne, le 26 février 2015, n°C-691/13

La Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt du 21 mai 2015, précise l’étendue des garanties procédurales en matière de remboursement pharmaceutique. Un laboratoire commercialisait un médicament destiné au traitement d’une pathologie osseuse dont la prise en charge par l’assurance maladie arrivait à son terme. Par un acte administratif du 12 septembre 2011, l’autorité nationale a renouvelé l’inscription de ce produit tout en limitant le remboursement à une fraction restreinte des patients.

Le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché a saisi le Conseil d’État, par un recours enregistré le 11 février 2014, pour obtenir l’annulation de cette décision. Le requérant arguait que l’absence de motivation précise de l’arrêté méconnaissait les exigences de la directive européenne relative à la transparence des mesures tarifaires. La juridiction administrative nationale a décidé d’interroger les juges européens sur l’applicabilité de l’obligation de motiver les renouvellements d’inscription assortis de limitations.

La question posée visait à déterminer si une telle mesure de renouvellement conditionnel devait être assimilée à un refus d’inscription au sens du droit de l’Union. La Cour affirme que l’article 6 de la directive impose une motivation dès lors que l’acte restreint le remboursement à certaines catégories spécifiques de patients. Cette solution repose sur une assimilation fonctionnelle des mesures restrictives avant de consacrer la prééminence du principe de transparence dans le secteur sanitaire.

I. L’assimilation fonctionnelle des mesures restrictives au refus d’inscription

A. La reconnaissance d’effets analogues au refus partiel

L’article 6 de la directive prévoit que « toute décision de ne pas inscrire un médicament […] comporte un exposé des motifs fondé sur des critères objectifs ». Les juges européens relèvent que la décision litigieuse ne constitue pas formellement un refus d’inscription sur la liste des produits couverts par l’assurance maladie. La Cour souligne qu’une telle restriction revient à exclure le remboursement du médicament pour certains patients ne répondant pas aux conditions fixées. L’arrêt conclut qu’une telle mesure est susceptible de « produire […] des effets analogues à ceux résultant d’un refus partiel d’inscription » sur la liste nationale. Cette analyse pragmatique privilégie la portée concrète de l’acte administratif sur sa qualification formelle pour protéger efficacement les droits des opérateurs économiques.

B. Le dépassement nécessaire d’une interprétation strictement littérale

Certains États membres soutenaient qu’une lecture stricte du texte limitait l’obligation de motivation aux seuls cas de refus explicites d’inscription initiale des produits. La Cour écarte cette position en rappelant que la finalité de la législation européenne est de contrôler toute mesure nationale restreignant la gamme remboursable. Elle considère qu’admettre une exception pour les renouvellements restrictifs viderait de sa substance la protection procédurale instaurée par le législateur de l’Union européenne. L’obligation de motivation devient un outil indispensable pour vérifier que les autorités nationales n’opèrent aucune discrimination arbitraire entre les différents médicaments. Cette approche extensive garantit que l’administration demeure soumise à des critères objectifs et vérifiables lors de chaque intervention sur le marché des spécialités.

II. La consolidation de l’objectif de transparence dans les systèmes de santé

A. La protection du droit à l’information des acteurs du marché

La directive a pour objet d’assurer la transparence en matière de fixation des prix et d’accès public aux critères de décision des autorités compétentes. L’exigence de motivation permet aux intéressés de s’assurer que l’inscription administrative répond à des principes de neutralité et de clarté parfaitement identifiables par tous. La Cour affirme qu’il serait « contraire à l’objectif de transparence d’admettre qu’une décision » de cette nature puisse échapper à une telle obligation formelle. Les laboratoires doivent pouvoir comprendre les raisons médicales ou économiques justifiant une limitation de la prise en charge financière de leurs spécialités pharmaceutiques respectives. Ce droit à l’information constitue le préalable indispensable à l’exercice effectif des voies de recours juridictionnelles ouvertes par la législation européenne en vigueur.

B. La garantie de l’effet utile du droit de l’Union européenne

L’arrêt renforce l’effet utile de la directive en empêchant les administrations nationales de contourner les règles de transparence par des artifices de procédure interne. La motivation garantit que les mesures de contrôle des dépenses de santé respectent les impératifs du marché intérieur sans entraver indûment la saine concurrence. Les autorités doivent désormais exposer les motifs fondés sur des critères objectifs pour chaque décision affectant durablement la commercialisation d’un produit médical spécifique. En imposant cette rigueur, le juge européen assure une harmonisation minimale des comportements administratifs au sein des différents systèmes d’assurance maladie des États. Cette jurisprudence confirme enfin que la protection de la santé publique s’articule nécessairement avec le respect des droits fondamentaux des entreprises dans l’Union.

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Hassan KOHEN
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