La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 26 février 2020, un arrêt interprétant l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La question posée concerne la conformité au droit européen d’un impôt national frappant solidairement un intermédiaire local et un opérateur de jeux étranger. Un centre de transmission de données agissant comme mandataire et une société de paris établie dans un autre État ont fait l’objet d’un redressement fiscal. L’administration fiscale nationale a exigé le paiement de l’impôt unique sur les paris collectés sur le territoire au titre de l’année 2011. Les requérants ont saisi la commission fiscale provinciale de Parme afin d’obtenir l’annulation de cet avis de recouvrement pour entrave à la prestation de services. Ils soutenaient que l’assujettissement des intermédiaires non concessionnaires créait une discrimination injustifiée par rapport aux structures opérant pour le compte de concessionnaires nationaux. La juridiction de renvoi a demandé si l’article 56 TFUE s’oppose à une réglementation taxant des opérateurs dépourvus de concession et établis dans un autre État. La Cour a dit pour droit que le principe de libre prestation des services ne fait pas obstacle à une telle législation fiscale nationale. L’étude de la validité d’un régime fiscal non discriminatoire précède celle de la reconnaissance de l’autonomie des politiques de taxation des États membres.
I. La reconnaissance d’un régime fiscal non discriminatoire
A. L’application indistincte de l’impôt aux acteurs du marché
La Cour souligne que l’impôt unique porte sur l’activité matérielle de collecte des paris réalisée sur le territoire de l’État membre concerné par le litige. Le juge européen relève que « l’impôt unique s’applique à tous les opérateurs qui gèrent des paris qui sont collectés sur le territoire italien ». Cette taxe frappe les gestionnaires de paris indépendamment de la détention d’une concession ou de la situation géographique de leur siège social effectif. La décision précise qu’aucune distinction n’est opérée selon que le prestataire est établi dans l’État de taxation ou dans un autre pays européen. Cette approche garantit une égalité de traitement formelle entre les différents opérateurs intervenant sur le marché national des jeux et des paris sportifs. La juridiction évacue ainsi le grief de discrimination directe fondé sur l’origine géographique ou le statut administratif des prestataires de services en cause.
B. L’absence d’entrave caractérisée à la libre prestation des services
L’arrêt dispose que la législation ne prévoit pas de régime fiscal différent selon que la prestation de services est exécutée nationalement ou transfrontalierement. La Cour constate que l’application de cet impôt n’est pas de nature à « prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités » des opérateurs. L’obligation fiscale solidaire pesant sur l’intermédiaire ne constitue pas une restriction illégale, car elle s’inscrit dans un cadre de contrôle administratif nécessaire. Le juge rappelle que le recours à un système de concessions peut valablement prévenir l’exploitation d’activités à des fins criminelles ou frauduleuses. L’absence de concession ne saurait exonérer le prestataire étranger et son mandataire d’une charge fiscale équivalente à celle des opérateurs concessionnaires du marché. Cette solution assure une neutralité fiscale entre les acteurs économiques tout en respectant les libertés fondamentales garanties par les traités de l’Union européenne.
II. La confirmation de la souveraineté fiscale des États membres
A. La légitimité de l’autonomie fiscale nationale
La Cour réaffirme que les États membres bénéficient d’une autonomie certaine pour définir leur système de taxation, sous réserve du respect du droit européen. Concernant l’éventuelle double imposition subie par la société étrangère, les juges précisent que les États n’ont pas l’obligation d’adapter leur propre fiscalité. Cette jurisprudence constante permet aux administrations nationales de maintenir la cohérence de leur régime de prélèvement sans tenir compte des taxes prélevées ailleurs. L’arrêt énonce qu’il n’existe pas d’obligation « d’éliminer la double imposition découlant de l’exercice parallèle par lesdits États de leurs compétences fiscales ». Cette position renforce la capacité des autorités publiques à soumettre à l’impôt toute activité génératrice de profits sur leur propre territoire national souverain. La validité du prélèvement fiscal repose sur l’existence d’un lien matériel entre l’activité économique exercée et la juridiction de l’État membre concerné.
B. La distinction entre situations comparables et spécificités opérationnelles
La décision écarte l’argument relatif à la différence de traitement entre les centres de transmission de données selon le statut juridique de leur mandant. La Cour estime que l’intermédiaire collectant des paris pour une société étrangère ne se trouve pas dans une situation comparable aux opérateurs purement nationaux. Elle relève que cette entité « ne se trouve pas, dès lors, au regard des objectifs de la loi, dans une situation comparable à celle des opérateurs nationaux ». Cette distinction permet de justifier l’assujettissement solidaire de l’intermédiaire local lorsque le mandant principal est établi dans un autre État de l’Union. Le mécanisme de solidarité fiscale assure l’efficacité du recouvrement de l’impôt auprès des opérateurs ne disposant pas d’une base fixe dans l’État. La solution retenue par la Cour préserve l’équilibre entre la liberté de prestation de services et les impératifs impérieux de régulation fiscale nationale.