La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 26 janvier 2017, une décision fondamentale relative à la preuve de la participation aux ententes complexes. Cette affaire concerne la mise en œuvre de pratiques concertées sur le marché des équipements de salle de bains au sein de plusieurs États membres. Une entreprise spécialisée dans la fabrication de ces produits a fait l’objet d’une amende imposée par l’autorité administrative compétente en raison de son implication. La société a contesté cette sanction devant le Tribunal de l’Union européenne, invoquant notamment une erreur dans l’appréciation de sa participation à l’infraction unique. Le juge de première instance a toutefois rejeté le recours, confirmant ainsi la matérialité des faits et la proportionnalité de la sanction prononcée. Le litige a été porté devant la juridiction de cassation par la voie d’un pourvoi tendant à l’annulation de cet arrêt initial. La requérante soutient que sa responsabilité ne saurait être engagée pour des agissements dont elle n’avait pas une connaissance précise et exhaustive. La question posée à la juridiction suprême porte sur les conditions dans lesquelles un comportement local peut être imputé à une infraction transnationale globale. Le juge rejette le pourvoi, confirmant l’encadrement rigoureux de la participation à une infraction complexe avant de pérenniser les principes d’imputation de la responsabilité.
I. L’encadrement rigoureux de la participation à une infraction complexe
A. La caractérisation de l’adhésion au plan global Le juge de cassation rappelle que la qualification d’infraction unique et continue repose sur l’existence d’un objectif commun poursuivi par l’ensemble des participants. La société requérante a activement pris part à des réunions restreintes dont la nature anticoncurrentielle a été valablement établie par les autorités de régulation. L’arrêt souligne que « la notion d’infraction unique et continue suppose un plan d’ensemble en raison de l’objet identique poursuivi faussant le jeu de la concurrence ». Cette volonté de contribuer à un but collectif prime sur la diversité des modalités de mise en œuvre technique des accords litigieux. Le comportement de l’entreprise s’inscrit ainsi dans une stratégie globale visant à stabiliser les parts de marché au détriment des consommateurs européens.
B. L’incidence de la connaissance des agissements des tiers La responsabilité d’une entreprise pour l’ensemble d’une entente n’exige pas une participation directe à chacun des volets constitutifs de la pratique prohibée. Il suffit que l’opérateur ait eu connaissance de la portée générale du cartel ou qu’il ait pu raisonnablement en prévoir les développements. La décision précise que « l’entreprise doit avoir entendu contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants ». Cette approche extensive permet de sanctionner les acteurs locaux qui facilitent, par leur présence, le maintien de structures anticoncurrentielles à l’échelle internationale. L’appréciation souveraine du juge du fond sur ces éléments de fait échappe au contrôle de la juridiction suprême, sauf dénaturation manifeste des preuves.
II. La pérennisation des principes de l’imputation de la responsabilité
A. La confirmation du bien-fondé de la sanction pécuniaire Le calcul de l’amende repose sur la valeur des ventes réalisées en relation avec l’infraction, conformément aux lignes directrices édictées par l’organe de régulation. La société conteste la prise en compte de certains chiffres d’affaires, arguant d’une disproportionnalité manifeste entre la faute commise et la pénalité infligée. Le juge considère pourtant que « le montant de l’amende doit être fixé à un niveau assurant un effet dissuasif suffisant pour prévenir toute réitération ». La gravité de l’infraction et sa durée justifient l’application d’un coefficient multiplicateur destiné à sanctionner efficacement les atteintes graves à l’ordre public économique. Cette rigueur punitive assure la protection du marché intérieur et garantit une concurrence loyale entre les entreprises opérant au sein de l’Union.
B. Les limites du contrôle juridictionnel sur l’appréciation des faits Le pourvoi est rejeté car les moyens soulevés tendent en réalité à obtenir un nouvel examen des éléments factuels souverainement appréciés par le premier juge. La juridiction de cassation limite son intervention à la vérification de la légalité formelle et à l’absence d’erreur de droit dans le raisonnement juridique. L’arrêt énonce que « l’appréciation souveraine des faits et des éléments de preuve ne constitue pas une question de droit soumise au contrôle de la Cour ». Cette restriction garantit l’efficacité du système juridictionnel tout en préservant le droit fondamental à un recours effectif devant un tribunal indépendant et impartial. La solution retenue confirme enfin la stabilité de la jurisprudence européenne face aux stratégies de défense des acteurs économiques impliqués dans des cartels.