Cour de justice de l’Union européenne, le 26 juillet 2017, n°C-112/16

La Cour de justice de l’Union européenne, le 15 juin 2017, a statué sur les modalités de transition vers la télévision numérique terrestre. Le litige trouve son origine dans une procédure engagée devant le Conseil d’État de Rome concernant l’attribution des droits d’utilisation des radiofréquences. Plusieurs sociétés de télédiffusion contestaient les critères de conversion de leurs réseaux analogiques, dénonçant une rupture d’égalité au profit des opérateurs historiques du secteur. Un opérateur déplorait notamment l’application d’un taux de conversion défavorable et la prise en compte de réseaux gérés irrégulièrement par ses concurrents directs. La juridiction de renvoi a saisi la Cour d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation des directives relatives aux réseaux et services de communications électroniques. Elle souhaitait savoir si les principes de non-discrimination et de proportionnalité s’opposent à une réglementation favorisant le maintien d’avantages concurrentiels potentiellement indus. La Cour répond que l’attribution des ressources spectrales doit exclure les exploitations illicites et respecter une stricte équivalence entre les acteurs économiques comparables.

I. L’exclusion des pratiques irrégulières dans l’attribution des fréquences

IA. La neutralisation d’un avantage concurrentiel indu

La Cour rappelle que l’attribution des fréquences doit se fonder sur des critères objectifs, transparents, non discriminatoires et strictement proportionnés aux objectifs de l’État. Les juges estiment qu’il serait contraire au droit de l’Union de « faire perdurer voire de renforcer, au profit d’un opérateur déjà présent sur le marché, un avantage concurrentiel indu ». La prise en compte de réseaux analogiques gérés en violation des seuils de concentration ou sans concession valide une situation d’illégalité au détriment du marché. Par conséquent, le prolongement de ces avantages lors de la conversion numérique fausse durablement la concurrence en protégeant les positions acquises par des voies irrégulières.

IB. La primauté de l’objectif de concurrence effective

L’autorité de régulation nationale doit impérativement promouvoir une concurrence effective en supprimant les obstacles à la fourniture des services de communications au sein de l’Union. La réglementation européenne interdit les mesures nationales ayant pour effet de figer les structures du marché en restreignant l’accès des nouveaux opérateurs à la ressource. Le respect de la légalité européenne constitue un préalable indispensable à l’octroi de droits d’utilisation pour de nouvelles technologies de diffusion hertzienne. Dès lors, l’assainissement du marché lors du passage au numérique impose d’écarter toute valorisation de droits d’usage obtenus au mépris des règles de concentration.

II. L’exigence de proportionnalité dans le processus de transition numérique

IIA. La condamnation des taux de conversion discriminatoires

Le principe général d’égalité de traitement impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente sans une justification objective et suffisante. L’application d’un critère de conversion uniforme peut générer une discrimination si elle réduit proportionnellement davantage la capacité d’un opérateur que celle de ses rivaux. Dans cette affaire, la Cour juge qu’une telle disposition est « constitutive d’une différence de traitement entre des opérateurs concurrents pourtant placés dans une situation comparable » en droit. Une telle rupture d’égalité ne saurait être admise sans la démonstration de contraintes techniques impérieuses rendant impossible une répartition plus équilibrée des fréquences.

IIB. L’encadrement du motif de continuité de l’offre télévisuelle

L’objectif de continuité de l’offre télévisuelle est légitime pour protéger les consommateurs, mais il ne saurait justifier l’attribution de ressources spectrales excédentaires aux diffuseurs. La mesure doit rester strictement nécessaire pour maintenir le service existant, sans offrir aux exploitants historiques une capacité de transmission supérieure à leurs besoins réels. Toutefois, l’utilisation de la technologie numérique permet de diffuser plusieurs programmes sur une seule fréquence, réduisant ainsi les besoins matériels de chaque acteur. Ainsi, « l’attribution d’un nombre de réseaux numériques supérieur au nombre qui serait suffisant pour assurer la continuité » de l’offre initiale est jugée manifestement disproportionnée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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