La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 26 juillet 2017, une décision relative à l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. Cette juridiction précise les conditions de régularisation d’une installation de production d’énergie mise en service sans étude d’impact préalable en raison d’une législation nationale erronée.
Des sociétés commerciales ont sollicité l’autorisation d’implanter et d’exploiter des centrales de production d’électricité à partir de biogaz sur le territoire de plusieurs communes italiennes. Une loi de la région des Marches dispensait alors ces projets de toute évaluation environnementale en raison de leur faible puissance thermique. Les autorités régionales ont donc accordé les permis d’exploitation sans procéder à l’examen des effets notables de ces installations sur les milieux naturels environnants.
Le Tribunal administratif régional des Marches a été saisi par les municipalités concernées et par des particuliers résidant à proximité des sites de production. Cette juridiction a prononcé l’annulation des autorisations initiales au motif que la loi régionale applicable méconnaissait les exigences de la directive 2011/92. À la suite de cette décision, les exploitants ont suspendu leur activité et ont introduit une nouvelle demande d’examen environnemental auprès de la province compétente.
L’administration provinciale a conclu que les installations respectaient les exigences de protection de la nature au terme d’une procédure d’évaluation réalisée postérieurement à la construction. Les requérants ont de nouveau contesté ces décisions devant le juge administratif italien en invoquant le caractère nécessairement préalable de l’évaluation imposée par le droit de l’Union. Le Tribunal administratif régional des Marches a alors décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour de justice sur la validité de cette régularisation.
Le problème de droit porte sur la compatibilité avec l’article 2 de la directive 2011/92 d’une procédure de vérification des incidences environnementales effectuée après la réalisation d’un projet. La Cour de justice affirme que le droit de l’Union ne s’oppose pas à une évaluation a posteriori sous réserve du respect de conditions strictes. L’étude du raisonnement suivi permet d’analyser l’articulation entre l’obligation d’évaluation préalable et la faculté exceptionnelle de régulariser les situations illicites.
I. L’affirmation du principe de l’évaluation préalable face aux conséquences de son omission
A. Le caractère préventif de l’évaluation des incidences environnementales
La Cour rappelle que l’article 2 de la directive impose que les projets susceptibles d’avoir des incidences notables soient soumis à une évaluation « avant l’octroi de l’autorisation ». Ce caractère préalable est essentiel car il permet à l’autorité compétente de tenir compte des effets sur l’environnement dès le processus technique de planification. La jurisprudence souligne que cette obligation vise à « éviter, dès l’origine, la création de pollutions ou de nuisances plutôt que de combattre ultérieurement leurs effets ».
L’évaluation ne saurait donc être réduite à une simple formalité administrative intervenant après l’achèvement des travaux ou le début de l’exploitation industrielle. La directive 2011/92 consacre le principe de prévention en exigeant une analyse scientifique complète avant que l’autorisation ne devienne définitive et irrévocable. Cette exigence garantit que l’intérêt environnemental soit placé au même rang que les considérations économiques lors de l’examen initial du projet de construction.
B. L’obligation de remédier aux conséquences de la violation du droit de l’Union
Le silence des textes européens sur les sanctions applicables en cas de défaut d’évaluation n’exonère pas les États membres de leurs responsabilités juridiques respectives. En vertu du principe de coopération loyale, les autorités nationales doivent « effacer les conséquences illicites » de la violation constatée par le juge ou l’administration. Cette obligation de réparation impose de prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir la légalité environnementale au sein de l’ordre juridique interne.
La suppression des effets d’une autorisation illégale peut prendre la forme d’un retrait de l’acte ou d’une suspension immédiate de l’activité de l’installation concernée. L’État doit également veiller à la réparation de tout préjudice causé par l’omission d’une évaluation imposée par les normes supérieures de l’Union européenne. Cette nécessité de restaurer la légalité permet d’introduire la possibilité pour l’administration de recourir à des mécanismes de régularisation sous un contrôle juridictionnel étroit.
II. L’admission d’une régularisation a posteriori strictement encadrée par le juge
A. Le caractère exceptionnel de la procédure de régularisation administrative
La Cour admet que des règles nationales puissent permettre, dans certains cas spécifiques, de régulariser des opérations ou des actes irréguliers au regard du droit européen. Cette faculté est toutefois subordonnée à la condition qu’elle ne soit pas utilisée pour « contourner les règles du droit de l’Union » ou pour s’en dispenser. La régularisation doit demeurer une mesure exceptionnelle et ne peut être assimilée à une autorisation d’urbanisme délivrée selon les modalités de droit commun.
Le juge vérifie si les exploitants ont manifesté une volonté de fraude ou si l’administration a tenté de valider une situation de pur fait. Dans l’espèce commentée, la suspension volontaire de l’activité par les sociétés après l’annulation de leurs titres atteste d’une démarche exempte de mauvaise foi manifeste. L’existence d’une législation nationale erronée dont la contrariété au droit de l’Union a été constatée tardivement constitue une circonstance justifiant le recours à la régularisation.
B. L’exigence d’une évaluation globale intégrant les effets environnementaux passés
Une évaluation effectuée à titre de régularisation ne doit pas se limiter à l’analyse des nuisances futures produites par l’installation de production d’énergie. Elle doit impérativement « prendre également en compte les incidences environnementales intervenues depuis sa réalisation » pour offrir une vision exhaustive de la situation écologique. Cette analyse rétrospective permet de compenser l’absence d’examen initial en intégrant les données réelles observées durant la première période d’exploitation de la centrale.
Le rapport d’incidence doit ainsi évaluer l’impact cumulé des travaux de construction et du fonctionnement effectif du site sur la biodiversité et les populations. Cette rigueur méthodologique assure que la régularisation ne soit pas une simple validation de pure forme mais un véritable instrument de protection de l’intérêt général. La conformité finale du projet dépend donc de la capacité de l’autorité publique à démontrer que l’installation ne porte pas une atteinte irréversible à l’environnement.