Cour de justice de l’Union européenne, le 26 juillet 2017, n°C-386/16

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 26 juillet 2017, précise les conditions d’application de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette décision porte sur l’interprétation de l’article 138 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Un assujetti établi dans un premier État membre réalise des livraisons de marchandises auprès d’un acquéreur identifié dans un deuxième État membre. Cet acheteur informe son fournisseur de la revente immédiate des biens à des clients situés dans divers États membres de l’Union. Les marchandises font l’objet d’un transport unique depuis le premier État membre vers les lieux d’établissement des acquéreurs finaux.

L’administration fiscale du pays de départ refuse l’exonération au fournisseur initial en considérant que les opérations ne constituent pas des livraisons intracommunautaires. Saisi d’un litige, le Tribunal administratif supérieur de Lituanie sursoit à statuer pour interroger la juridiction de Luxembourg sur les critères d’imputation du transport. La question posée tend à déterminer quelle livraison doit être qualifiée d’intracommunautaire lorsque deux ventes successives ne donnent lieu qu’à un seul mouvement physique. La Cour décide qu’une livraison « n’est pas exonérée » si l’acquéreur informe le fournisseur de la revente immédiate avant le transport effectif des marchandises. Elle ajoute que l’identification fiscale de l’acheteur dans un autre État « n’est pas un critère de qualification d’une opération intracommunautaire ». L’analyse de l’imputation du transport précédera l’étude de l’incidence des transformations matérielles subies par les marchandises.

I. L’imputation du transport au sein de la chaîne de livraisons successives

A. La primauté de l’intention de l’acquéreur dans la qualification de l’opération

L’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée pour une livraison intracommunautaire suppose que le pouvoir de disposer du bien soit transmis à l’acquéreur. La Cour souligne que le transport doit être imputé à une seule des deux livraisons successives réalisées entre les différents opérateurs économiques concernés. Lorsque l’acheteur informe le vendeur de sa volonté de revendre immédiatement le bien, le transport ne peut être rattaché à la première vente. La seconde opération de livraison réalise effectivement le mouvement des marchandises vers l’État membre de destination finale prévu par les parties. Dès lors, la première cession constitue une livraison interne ne bénéficiant pas de l’exonération prévue par les dispositions de la directive européenne. Les juges de Luxembourg confirment ainsi que l’ordre des transactions détermine l’application du régime fiscal de faveur propre aux échanges au sein de l’Union.

B. L’éviction de l’identification fiscale comme preuve déterminante

L’identification fiscale de l’acquéreur intermédiaire dans un État membre différent de celui de livraison ne constitue pas une preuve suffisante de l’opération intracommunautaire. La Cour rappelle que « l’identification à la taxe sur la valeur ajoutée » ne représente qu’une exigence de forme incapable de primer sur les réalités matérielles. Ce numéro d’identification ne saurait masquer le fait que le transport physique des biens est déclenché par la seconde vente de la chaîne. La preuve du caractère intracommunautaire d’une transaction repose sur le lien effectif entre le mouvement des marchandises et l’opération de vente considérée. Cette approche privilégie la substance économique des échanges sur les simples formalités administratives accomplies par les entreprises lors de leurs transactions transfrontalières. L’interprétation stricte des critères d’exonération prévient ainsi les risques de fraude fiscale ou d’évasion au détriment des budgets des États membres.

II. L’indifférence de la transformation des biens sur l’exonération de la livraison

A. Le respect de l’unité temporelle de la première livraison

La transformation des biens par l’acquéreur intermédiaire avant le transport vers l’État final ne modifie pas les conditions de l’exonération de la livraison. Les juges considèrent qu’une telle intervention technique reste sans incidence « dès lors que cette transformation est postérieure à la première livraison » effectuée. La nature du produit vendu par le premier fournisseur demeure identique au moment où le transfert de propriété intervient au profit de l’acheteur. Les opérations de modification des marchandises commandées par l’intermédiaire s’inscrivent dans le cadre de sa propre activité commerciale envers le client final. La juridiction européenne maintient une distinction claire entre les obligations du vendeur initial et les initiatives industrielles prises par l’acquéreur de second rang. Cette solution garantit que l’application de la taxe sur la valeur ajoutée repose sur l’état des biens lors de leur cession juridique originelle.

B. La recherche de la sécurité juridique pour les assujettis

La position adoptée par la Cour renforce la prévisibilité des relations commerciales en fixant des critères temporels précis pour l’analyse des chaînes de livraisons. Les fournisseurs peuvent ainsi déterminer leur régime d’imposition dès la conclusion du contrat sans craindre une remise en cause ultérieure de leur situation. La stabilité juridique des opérateurs économiques est préservée par le refus de prendre en compte des événements survenant après la réalisation de la vente. Cette jurisprudence limite les investigations des administrations fiscales aux éléments connus des parties lors de l’expédition des produits vers un autre État membre. La clarté des règles relatives aux transformations matérielles permet d’éviter des contentieux complexes sur la valeur ajoutée créée durant les étapes de transport. La Cour favorise une application uniforme du droit de l’Union en écartant les critères subjectifs au profit de constatations matérielles simples.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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